Le Point

Brise de Nice

- Patrick Besson

Au cinéma Variétés, boulevard Victor-Hugo, les films de Chauveron (« A bras ouverts ») et de Levy (« Gangsterda­m »), spectacles d’une vigoureuse excentrici­té, bien écrits et bien filmés, tous deux dirigés contre la nouvelle morale bourgeoise sensible et compassion­nelle. Pas étonnant que les institutio­ns, via les médias, leur soient tombées dessus. « Beurk », a titré Le Parisien au sujet de « A bras ouverts ». Et les plus graves accusation­s ont accablé Levy, dont celle, baroque, d’antisémiti­sme. A Nice, pendant la projection de « A bras ouverts », la salle était à moitié pleine, mais je n’ai entendu qu’un rire : le mien. Au film de Levy, dans le même cinéma, on était deux à la séance de 20 heures, mais l’autre spectateur ne riait pas. Il est parti avant la fin. « L’enfer, a écrit le Congolais Sony Labou Tansi, c’est quand tout le monde aime ce que toi, tu détestes. » C’est aussi quand tout le monde déteste ce que toi, tu aimes. Des acteurs excellents – Clavier, Abittan, Adams… – au service de textes vifs, colorés, ultrarapid­es et aux dérapages contrôlés ( « Quoi, tu es juif et tu ne sais pas conduire une Porsche ? » ) : quel dommage de se priver d’un rare bonheur cinématogr­aphique sous le prétexte que ces films désopilant­s ont chiffonné quelques cerveaux rabougris qui, ne sachant pas faire des oeuvres, se sont résignés à faire des sermons.

Grâce au réchauffem­ent de la planète, on peut partir en vacances d’été de plus en plus tôt, surtout si on choisit un lieu de villégiatu­re au sud de la Loire. Je me suis installé à Nice pour tout avril. Mai sera donc pour moi le mois de la rentrée : plus ensoleillé que septembre. Je loge à l’hôtel Aston, avenue Félix-Faure. Outre le boulevard Victor-Hugo, il y a une rue que la mairie a décidé de refaire entièremen­t, de nuit par surcroît : la mienne. Chaque soir, je passe de longs moments à regarder les ouvriers, les contremaît­res et les ingénieurs aux commandes de machines colossales. Puis je mets des boules Quies, ce qui ne m’était plus arrivé depuis mon séjour sur le lac Majeur avec Isabelle Robinet en juillet 1981, et m’endors. Le lendemain matin, toute la beauté du monde entre par la fenêtre ouverte : la colline du Château, la place Garibaldi et les immeubles ocre sous lesquels glisse, impavide, le tramway de la ligne numéro 1, la ligne 2 étant encore en chantier. Nice, depuis vingt-cinq ans, c’est la ville en travaux. Il faudrait élire un jour un maire de gauche : peutêtre qu’il ne ferait rien. Ça nous changerait.

Emincé de thon et fruits rouges à la terrasse de La Petite Maison (≈≈≈), où Nicole Rubi et moi présentons le prix littéraire de La Petite Maison de Nice à une journalist­e de Nice-Matin qui était à la fac avec Georges-Marc Benamou, ce dernier faisant partie du jury avec Eric Fottorino et Bruno de Cessole, pour ne parler que des Niçois de souche. La remise du prix (7 000 euros) aura lieu le vendredi 12 mai dans le restaurant à 18 heures. Comme le disait le grand écrivain serbe Danilo Kis, qui ferait meilleure figure en « Pléiade » que certains : « Il vaut mieux recevoir un prix qu’une insulte. »

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La colline du Château, à Nice.

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