Immigration, les chiffres qui surprennent
Dans son livre, El Mouhoub Mouhoud, spécialiste des migrations, démonte les poncifs de toutes provenances.
Le Point : Contrairement à une idée reçue, la France n’est pas un grand pays d’accueil d’immigration…
El Mouhoub Mouhoud : A partir des élections de 2012, on a accepté l’idée selon laquelle la France accueillerait « toute la misère du monde ». La réalité est tout autre : depuis une quinzaine d’années, elle se place dans le peloton de queue des pays d’accueil de l’OCDE. Nous recevons 200 000 immigrants chaque année, mais 100 000 repartent. Ces 200 000 migrants annuels représentent 0,4 % de la population française. La moyenne de l’OCDE atteint 0,7 % à 0,8 %. Le double. Parler d’afflux d’immigration est mensonger : la France est un des pays les plus fermés après la Corée du Sud et le Japon. Depuis 1974, elle a fermé les vannes de l’immigration du travail.
Pourquoi ces immigrés choisissent-ils la France ?
Sur ces 200 000 migrants, l’immigration familiale représente le premier facteur avec à peu près 90 000 personnes. Cela concerne essentiellement des Français qui font venir leur conjoint ou leurs enfants. Le regroupement familial de migrants étrangers ne représente que 11 000 personnes. C’est donc très minoritaire. Le second facteur d’immigration, c’est la libre circulation des travailleurs européens. Cela représente à peu près 68 000 personnes. L’immigration de travail n’arrive qu’en troisième position avec 20 000 migrants seulement par an. Parmi ces derniers, 10 000 sont des étudiants qui transforment leur statut pour devenir travailleurs. A cela il faut ajouter 31 000 réfugiés. Par comparaison, l’Allemagne en a reçu 800 000 en 2015. Le ministère de l’Intérieur français, lui, a compté un flux de 250 000 immigrés en 2015, en incluant 70 000 étudiants.
Beaucoup dénoncent l’importance de l’immigration familiale, qu’ils opposent à l’immigration de travail.
C’est un effet d’optique. La part d’immigration de travail est volontairement maintenue au minimum, donc la part relative de l’immigration familiale paraît élevée. Mais il n’y a aucune montée de l’immigration familiale. D’autant qu’elle ne peut être réduite, puisque ses règles sont régies par des conventions internationales. Si on veut favoriser l’immigration économique, il faut augmenter la liste des métiers en tension, les seuls pour lesquels on peut faire venir des immigrés.
Les flux annuels se cumulent. Qu’en est-il du nombre total d’immigrés ?
Le constat est identique. Selon les données issues du recensement de l’Insee, la France compte 5,9 millions d’immigrés, soit 8,5 % de la population totale, contre 12,5 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Parmi eux, 3,5 millions sont des étrangers qui ont gardé leur nationalité, mais 2,3 millions sont des Français immigrés qui ont acquis la nationalité française.
Comment définit-on un immigré ?
L’ignorance est très grande sur le sujet, y compris parmi les hommes politiques. Selon la définition de l’Onu, retenue par les statistiques de l’Insee et de l’OCDE, un immigré est quelqu’un qui a quitté son pays et réside de manière permanente dans un autre pays, c’est-à-dire depuis plus d’un an. Ce qui signifie que les naturalisés sont considérés comme des immigrés. En revanche, les enfants de ces immigrés nés en France ne le sont pas. Les étrangers au sens