« Il est grand temps que la France se secoue »
Le patron de Birkenstock souligne les atouts de la société française.
Oliver Reichert est à la tête d’un modèle du capitalisme allemand : Birkenstock, la sandale orthopédique « made in Germany » devenue la chaussure des branchés de la planète. Patron depuis 2013 de cette société toujours détenue par la famille du fondateur et qui compte quelque 3 000 salariés, il raconte comment les Allemands jugent l’économie française
Le Point : Etes-vous inquiet pour la France ? Oliver Reichert :
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la France n’est pas au meilleur de sa forme. L’économie est en panne, le marché du travail fait du surplace, le budget de l’Etat est dans le rouge. Les partis établis n’ont pas la force de s’atteler aux problèmes et les dirigeants les plus en vue sont embourbés dans des scandales. Les populistes se frottent les mains. Il est grand temps que la France se secoue. L’Allemagne et l’Europe ont besoin d’une France forte.
Le déclin français semble inéluctable pour certains…
Les chiffres tiennent un tout autre discours : la France reste un poids lourd économique, regardez la vigueur de l’industrie du luxe, l’étendue des exportations ou des investissements directs à l’étranger… La deuxième économie de l’UE profite de la mondialisation. Oliver Reichert PDG de Birkenstock
Quand les Français s’attelleront aux réformes nécessaires, ils n’auront plus de raison de craindre l’avenir.
Sur quoi le nouveau président français devrait-il se pencher ?
Sur la structure de l’économie. Vous avez en France de nombreux champions globaux et une kyrielle de petites entreprises, mais pas de « Mittelstand », ces fameuses PMEETI à l’allemande. Prenez le chômage. Les PME allemandes sont responsables d’un tiers des emplois, alors que les grands groupes cotés en Bourse licencient ou déménagent la production vers des pays à main-d’oeuvre bon marché. Si la France s’occupait davantage de ses PME, on en verrait les conséquences sur le marché du travail, même si cela demande de la patience.
Mais les Français veulent-ils vraiment réformer leur pays ?
La France sait parfaitement qu’elle doit faire des réformes. Le problème, c’est leur mise en oeuvre. Votre pays a besoin de dirigeants politiques capables de faire passer ces réformes. Plus on perd de temps, plus cela sera douloureux.
Faut-il prendre exemple sur les réformes de Gerhard Schröder ?
Ces réformes n’ont pas été faciles. Le Hartz IV, portant sur l’indemnisation du chômage, a déclenché une onde de choc. La gauche est toujours profondément divisée. Et le chancelier Schröder a perdu son poste. Dans les années 1990, l’Allemagne était le « malade de l’Europe ». Les gens ont senti que, si l’on continuait ainsi, on allait aboutir à une impasse. Il existait un grand consensus au centre de la société. Sans cela, il est impossible dans une démocratie de mettre en place de grandes réformes. Si nous y sommes arrivés, les Français y parviendront aussi !
Le prochain président devra-t-il rassurer les Français ?
Bien au contraire, il faut avoir le courage de dire des vérités pas forcément agréables et de défendre des réformes qui auraient dû être introduites il y a longtemps. Le repli nationaliste et protectionniste n’est pas une réponse viable aux défis de la mondialisation. Un pays comme la France, qui est si intimement lié à ses voisins, ne peut exclure le reste du monde – en tout cas pas sans que cela ait des conséquences dramatiques pour son propre niveau de vie.
Quel candidat pourrait, selon vous, convaincre les Français de la nécessité de ces réformes ?
Le prochain président ne pourra pas résoudre les problèmes tout seul. Pour faire des réformes, il faut un large consensus, des socialistes jusqu’aux conservateurs. La France doit être gouvernée en son centre. Les concepts économiques absurdes de l’extrême gauche sont tout aussi dangereux que les folles idées antidémocratiques des populistes d’extrême droite