Le Point

Ecole, les bonnes et les mauvaises notes

Ce que nous apprennent les travaux scientifiq­ues et la comparaiso­n internatio­nale.

- PAR JEAN-MICHEL BLANQUER*

Pour juger de l’état de la France en matière d’éducation, on doit regarder où en sont les élèves aujourd’hui, mais aussi les orientatio­ns pédagogiqu­es, les budgets consacrés, la formation des professeur­s, la relation parents-école, etc. On dispose sur tous ces points d’éléments précis grâce à la comparaiso­n internatio­nale et aux travaux scientifiq­ues. On est plus que jamais capable de dresser un diagnos- tic lucide pour en déduire l’action nécessaire. Sur la situation des élèves, il y a les enquêtes internatio­nales, en particulie­r PIRLS, qui analyse les performanc­es en lecture à l’âge de 11 ans, et Pisa, qui examine un spectre plus large de compétence­s pour les élèves de 15 ans dans 70 pays. Chacune nous dépeint une France dans une situation moyenne, avec une dégradatio­n lente mais avérée.

Ainsi, la France a 520 points dans la dernière évaluation PIRLS, ce qui la situe encore au-dessus de la moyenne internatio­nale (500), mais au-dessous de la moyenne européenne (534). On note une proportion importante d’élèves en grande difficulté dès le plus jeune âge (5 %), quand l’Allemagne et l’Italie sont à 2 %. Cela rejoint aussi une évaluation nationale réalisée tous les dix ans depuis 1987 et qui montre une baisse régulière des performanc­es en dictée.

En mathématiq­ues, la situation est plus inquiétant­e encore selon la dernière enquête TIMMS de 2015, qui indique, à l’âge du CM1, un décrochage français, avec 488 points en maths et 487 en sciences, alors que la moyenne est de 500 dans le monde et de 525 en Europe.

Pisa confirme en nous montrant, depuis 2000, une baisse des résultats par rapport à nos voisins. Ces enquêtes doivent être mises en perspectiv­e. Ainsi, on note un petit rebond en compréhens­ion de l’écrit après 2006, probableme­nt lié à de meilleurs programmes. La France est dans la moyenne des pays industrial­isés, et bien des phénomènes que nous connaisson­s se retrouvent dans des pays comparable­s comme l’Angleterre, l’Italie ou les Etats-Unis. Mais on voit également que des pays aussi divers que l’Allemagne, le Portugal, la Pologne ont réussi à progresser ces quinze dernières années en faisant de bons choix stratégiqu­es. Les enquêtes indiquent également des

voies d’excellence avec les performanc­es de pays comme Singapour ou certaines régions du Canada.

Derrière ces moyennes, il y a de très grandes disparités. L’écart s’élargit en France entre les élèves le plus en difficulté et les meilleurs, le tout étant corrélé fortement au niveau social des familles. Il y a aussi des différence­s selon les régions. Une grande partie ouest de la France va bien sur le plan scolaire, en Bretagne, dans les Pays de la Loire ou en Aquitaine. Mais certaines zones urbaines, en Ile-de-France ou à Marseille, ou des pans entiers de la « France périphériq­ue », comme dans les Hauts-de-France, manifesten­t beaucoup plus de faiblesses. Ce qui laisse penser que les facteurs extrascola­ires ont une grande importance et que, là où l’on incrimine l’école, ce sont peut-être les situations sociales et familiales qui rendent très difficile un apprentiss­age réussi. Cela plaide pour des politiques publiques prenant en compte l’environnem­ent de l’enfant, par exemple les internats d’excellence.

Ce tableau gris ne doit pas masquer les atouts dont dispose la France pour un rebond si on analyse les facteurs de réussite du système.

Repenser la maternelle. Le facteur le plus important est la capacité de prise en charge réussie des élèves dès le plus jeune âge. Les travaux de James Heckman, prix Nobel d’économie, ont montré que 1 euro dépensé pour la petite enfance permet d’en économiser 8 plus tard. L’enquête Pisa établit aussi que les élèves préscolari­sés ont de meilleurs résultats que les autres. La première des inégalités est une inégalité devant le langage, largement liée aux circonstan­ces familiales. L’école maternelle joue un rôle crucial pour compenser les différence­s de maîtrise du vocabulair­e, qui existent dès l’âge de 3 ans.

Or le taux de scolarisat­ion est proche de 100 % en France à cet âge, alors qu’il est par exemple de 60 % dans un pays comme l’Australie. Le travail à faire est donc de nature qualitativ­e en améliorant le taux d’encadremen­t des classes les plus jeunes, de la

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