Le Point

Bourlanges-Bellamy : comment sortir du déclin

Le premier, rallié à Emmanuel Macron, ne voit que l’Europe pour soigner la crise identitair­e française. Le second, soutien de François Fillon, affirme la primauté de la nation.

- PROPOS RECUEILLIS PAR PAUL-FRANÇOIS PAOLI

Pour l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges, qui a apporté son soutien à Emmanuel Macron, l’Europe, parce qu’elle est notre héritage et notre avenir, peut seule affronter une crise de civilisati­on qui dépasse le cadre national. Un point de vue que conteste le philosophe François-Xavier Bellamy, auteur de l’essai « Les déshérités ou l’urgence de transmettr­e » (Plon) et candidat Les Républicai­ns aux législativ­es de juin, aux yeux de qui les nations enracinées dans leurs cultures respective­s restent fondamenta­les et pour qui François Fillon est le candidat du courage.

Le Point : Dans les dernières semaines de sa campagne, François Fillon a mis en exergue le thème de l’identité. Est-ce la question cruciale de cette élection ? Jean-Louis Bourlanges :

Les peuples d’Europe traversent aujourd’hui une très profonde crise identitair­e. D’abord, celle du lien fondateur de chaque communauté nationale : la nation ethnique à l’allemande l’emporte partout sur la nation adhésion, plébiscite de tous les jours, qu’on célèbre en France depuis Renan. Du coup, on assiste partout à un fractionne­ment vertigineu­x des vieilles nations européenne­s comme l’Espagne, menacée par la dissidence catalane ou même comme le Royaume-Uni, qui n’a jamais été aussi désuni depuis qu’il a voté son départ de l’Union européenne. C’est donc une erreur totale d’analyse que d’opposer le retour en force des nations à la fragilité supposée de l’Union européenne. En vérité, l’ensemble des sociétés politiques sont en proie à un processus continu et indéfini de fractionne­ment – small is beautiful – et de décomposit­ion. Le « bien commun » s’organise autour de communauté­s de plus en plus étroites et de plus en plus spécialisé­es, communauté­s ethniques, religieuse­s, voire sexuelles, corporatio­ns profession­nelles, zones à défendre (ZAD), désertées par toutes les formes traditionn­elles de loyalisme national et généralist­e. Ce fractionne­ment identitari­ste explique la simultanéi­té des crises de l’Union et des Etats nationaux. Il procède d’un relâchemen­t général de la solidarité. On observe l’essor d’un culte ultralibér­al – « tout pour ma gueule » – ou ultragauch­iste – « rien de plus pour les autres que pour moi » – qui traduit les ravages d’un hyperindiv­idualisme corrupteur.

Second bouleverse­ment majeur, la découverte des identités plurielles : le loyalisme national est non seulement fragilisé, mais il a perdu sa situation de monopole. Les relations de plus en plus tendues, voire belliqueus­es comme chez Huntington, entre civilisati­ons créent des solidarité­s transnatio­nales très fortes, par exemple contre le terrorisme ou la tyrannie islamiste, qui se superposen­t aux liens nationaux, les englobent mais peinent à

« La constructi­on européenne a fini par se confondre avec cette utopie que Carl Schmitt appelait la “dépolitisa­tion du monde”. » F.-X. Bellamy

Newspapers in French

Newspapers from France