Papa, c’est quoi, un reptilien ?
Quelques pistes pour vacciner vos enfants contre les légendes urbaines.
«M onsieur, c’est vrai que les chats ont des superpouvoirs pour contrôler le monde ? » « Barack Obama a des écailles dans le dos, donc c’est un reptilien ? » « On dit que les traces laissées dans le ciel par les avions sont toxiques » … Ces questions qui taraudent bon nombre d’élèves aujourd’hui n’ont rien d’anormal. Depuis qu’Internet a débarqué dans leur vie et sur leur smartphone, enfants et ados doivent faire face à une multitude de canulars, légendes urbaines et thèses complotistes. Comment les débusquer ? Comment mettre en garde les élèves et affûter leur esprit critique ?
Des enseignants ont expérimenté des méthodes innovantes. A Rennes, dans un collège d’éducation prioritaire, Ronan Chérel a imaginé un « protocole de lutte contre le conspirationnisme » . C’est au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo que ce professeur d’histoire-géo a mesuré l’ampleur du phénomène. « On sait bien que c’est le complot judéo-maçonnique Illuminati qui est derrière tout ça ! » lui ont rétorqué des élèves de 3e. Développant un argumentaire bien rodé, ils citaient « les rétroviseurs qui avaient changé de couleur », « le sang qui n’avait pas coulé de la tête du policier » … Autant d’indices brandis comme des preuves de l’existence d’un complot. Passé le moment de stupeur, le prof s’est mis en quête d’un « vaccin » pour lutter contre cette « maladie sociale » qui se propage à la vitesse de l’éclair sur le Web. « Il ne faut surtout pas dire aux élèves “J’ai raison, tu as tort !” ou “Les des 15-24 ans croient en l’existence des Illuminati (Ipsos, juillet 2014). seulement des jeunes réfutent la question : « Les attentats du 11 Septembre ont-ils été organisés par la CIA ? » (enquête du CNRS auprès de 7 000 lycéens en septembre et octobre 2016).
« Manuel d’autodéfense intellectuelle », de Sophie Mazet (Robert Laffont), une prof d’anglais qui a créé un atelier d’ « autodéfense intellectuelle » dans son lycée de SeineSaint-Denis.
Mediaparks.fr, la revue du collège Rosa-Parks de Rennes.
www.clg-picasso-montesson.com, les vidéos de la classe de Lionel Vighier.
Extraits des cours de Rose-Marie Farinella sur la chaîne YouTube de « Hygiène mentale ». théories du complot, c’est du bidon !” Sinon, on va dans le mur. » Cet historien des médias a préféré « occuper leur tête avec de la raison afin qu’il n’y ait plus de place pour y mettre des choses incohérentes » . La clé, il l’a trouvée dans la réalisation d’une revue. Les apprentis journalistes ont appris par eux-mêmes à distinguer une vraie information d’une fausse et à se méfier quand une seule explication est donnée à tous les problèmes du monde.
Lionel Vighier, lui, a opté pour l’humour. Avec les 3es de sa « classe médias » – dont certains croyaient aux attaques de clowns-tueurs –, ce prof de français a réalisé des vidéos parodiques : Karl Lagerfeld est-il un homme-lézard ?, Les profs sont-ils des vampires ? ou Comment les chats dominent le monde. « Je me suis attaché à la construction du discours complotiste, ses procédés rhétoriques, graphiques… explique l’enseignant des Yvelines. En se mettant dans la peau de conspirationnistes, les élèves se sont rendu compte qu’il était très facile de faire ce genre de films et de manipuler les gens. » Lionel Vighier insiste sur le rôle des parents : « Face au flux d’infos et d’images que reçoivent les jeunes, les parents doivent les accompagner aussi à la maison. »
Les « petits » ne sont pas à l’abri. Dès 9-10 ans, fascinés par le paranormal, ils vont sur YouTube. « Est-ce qu’il y a des extraterrestres sur la zone 51 (une base militaire américaine) ?» s’est entendu demander, un matin, Rose-Marie Farinella. Une fois par semaine, cette journaliste devenue institutrice transforme les CM1-CM2 de son école de Haute-Savoie en détectives. Parés d’un masque en papier journal, les enfants traquent les sites complotistes, repèrent les photomontages (ils ont débusqué le fameux « homme à la pelle » terrorisant des supporteurs de foot alors qu’Olivier Mazerolle avait relayé cette rumeur sur RTL)… A la fin de l’année, ils reçoivent leur diplôme de « hoax busters » (chasseurs de canulars) et prêtent serment : « Je jure sur la tête de la souris de mon ordinateur qu’avant d’utiliser ou de retransmettre une information toujours je la vérifierai ! »