Jeu vidéo, le nouveau sport business
Pionnier. L’Allemand Jens Hilgers a été un des premiers à croire à l’e-sport, une discipline qui brasse des milliards.
C’est quand il suit son équipe depuis la tribune, qu’il vibre et retient son souffle, que se révèle la vraie passion de Jens Hilgers. Cet Allemand de 41 ans est un des pionniers de l’e-sport, le sport électronique. ll ne perd pas une minute de l’action qui se déroule sur l’écran géant suspendu au-dessus des deux équipes adverses qui s’affrontent ce soir dans un immense hangar au fin fond de l’ancien Berlin-Est. Deux teams de cinq cyberathlètes chacun – traduisez deux équipes de cinq joueurs – sont côte à côte sur une estrade. Chaque joueur est assis dans un fauteuil de pilote devant son écran, un casque sur les oreilles, une main sur une souris, l’autre sur le clavier. Ils sont très jeunes. Certains ont encore de l’acné sur les joues. Pour éviter la domination par les Sud-Coréens, les meilleurs athlètes du monde, seuls deux joueurs non européens sont autorisés dans chaque team.
Tassés sur les gradins, une centaine de fans, presque tous des hommes, très jeunes eux aussi. Ils sont venus soutenir leur team pour ce tournoi européen de « League of Legends », LoL pour les initiés, l’un des jeux vidéo de stratégie les plus populaires au monde avec 100 millions de joueurs actifs par mois. Cette bataille acharnée est retransmise en direct via YouTube et Twitch.com, la plus grande plateforme pour les compétitions de jeux vidéo sur Internet. Des millions de spectateurs suivent la partie sur leur écran dans le monde entier. Les athlètes ont les yeux rivés sur leur console, l’air grave, le corps tendu, impassibles. Mais les apparences sont trompeuses. Leur fréquence cardiaque est équivalente à celle d’un pilote automobile pendant la course. Un silence religieux règne sur les gradins. De temps en temps, un rugissement collectif vient saluer l’exploit d’un héros qui pulvérise son adversaire d’un jet de laser dans le monde virtuel. Pour un néophyte, les règles de ce jeu sont plus byzantines encore que celles du cricket en Angleterre. On ne voit que des êtres étranges qui s’agitent au milieu d’une végétation tropicale. Des dragons fluorescents, un ogre à la barbe rousse, un gladiateur brandissant une épée géante. Un zombie en peluche aux yeux globuleux traverse l’écran. Une créature à la longue crinière rousse part en vrille dans le cosmos. De temps à autre, une détonation comme un feu d’artifice. Les gradins jubilent. Une grappe de filles costumées bondissent de leurs sièges et entonnent des cris guerriers. Durant la mitemps, deux experts en blazercravate commentent la partie, interrogés par une animatrice