Eloge des petites françaises
Nostalgie. Alors qu’Alpine fête sa renaissance, l’édition 2017 du Tour Auto Optic 2000 rend hommage aux constructeurs français disparus.
Comme l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne ou les Etats-Unis, la France est un pays à forte tradition automobile. Le Tour de France automobile, compétition disputée entre 1951 et 1986 par tout ce que l’Hexagone a compté de constructeurs français petits ou grands, en a été l’une des plus belles illustrations. C’est donc à ces marques françaises, pour la plupart emportées par le premier choc pétrolier de 1973, que le Tour Auto Optic 2000, recréé par Patrick Peter en 1992, veut rendre hommage aujourd’hui.
Cette célébration tombe à point nommé pour rappeler à tous les passionnés que ces disparitions ne sont pas forcément toutes définitives, comme en témoigne la renaissance d’Alpine après une absence de près d’un quart de siècle. Une nouvelle Alpine a en effet été présentée il y a quelques semaines seulement lors du Salon de Genève, directement inspirée de la fameuse « berlinette » lancée en 1962 et qui fut régulièrement engagée dans le Tour de France automobile originel. Parmi les Alpine historiques engagées sur l’édition 2017 du Tour, la plus en vue devrait être l’authentique A110 1800 groupe 4, qui a participé à la sai- son 1973 aux mains de Jean-Luc Thérier (1er au rallye du Portugal, 2e à celui de Monte-Carlo), à l’issue de laquelle Alpine fut sacrée marque championne du monde des rallyes. Pilotée par l’équipage Didier Calmels/Philippe Sinault, cette voiture au palmarès exceptionnel est d’ailleurs engagée sur l’épreuve par l’écurie Signatech, celle-là même qui fait aussi courir les prototypes Alpine (modernes, ceux-là) en endurance et qui vient de remporter en 2016 le titre de championne du monde de la discipline en catégorie LMP2.
Espoir. Voilà qui pourrait, pourquoi pas, laisser aux passionnés l’espoir de voir renaître d’autres marques de voiture de sport que comptait la France au coeur des Trente Glorieuses. En attendant, ils peuvent venir les admirer sur le passage du Tour Auto traversant la France de Paris à Biarritz, du 24 au 30 avril (voir encadré). Parmi elles, les illustres DB, nommées d’après leurs créateurs Charles Deutsch et René Bonnet. La marque, fondée en 1947, se fit notamment connaître avec son Coach, un petit coupé ultraléger (460 kilos) et suffisamment profilé pour atteindre 160 kilomètres/heure malgré son minuscule moteur Panhard de 750 cm3. C’est d’ailleurs
une DB-Panhard de ce type qui remporta le Tour de France en 1952. Cette année, pas moins de quatre Coach HBR5 – le modèle le plus sportif de la marque DB – participent au Tour Auto.
Brouillés, les deux compères se séparèrent en 1962 pour créer leur propre marque chacun de son côté. CD pour Charles Deutsch, le polytechnicien spécialiste de l’aérodynamique dont le prototype CD-Panhard à compresseur s’illustra au Mans, atteignant la vitesse incroyable pour l’époque de 220 kilomètres / heure dans l’interminable ligne droite des Hunaudières. Pour sa part, René Bonnet construisit sous son nom la Djet, un minuscule coupé à moteur Renault installé en position centrale arrière, destiné à rivaliser avec la berlinette Alpine. Construite par Matra, qui racheta les automobiles René Bonnet après la faillite de la société, la Djet ne fut produite que de 1962 à 1967. C’est donc un des premiers modèles produits par René Bonnet qui participe cette année au Tour Auto Optic 2000.
Matra perpétua toutefois cette veine du petit coupé abordable, d’abord avec la 530 à moteur Ford lancée en 1968, puis avec les Matra Bagheera (1973) et Murena (1980). Mais c’est avec son prototype 650 tout droit sorti des circuits du championnat d’endurance que Matra écrivit certaines des pages parmi les plus mémorables de l’histoire du Tour de France en remportant l’épreuve à deux reprises, en 1970 et en 1971, devant un public en délire.
C’est aussi à cette période que débute l’aventure Ligier. Surtout connue aujourd’hui pour ses voiturettes sans permis et ses véhicules de livraison électriques, l’entreprise de Guy Ligier, ex-pilote de F1 ayant fait fortune dans les travaux publics, ambitionnait, à la fin des années 1960, de construire un coupé sport de grand tourisme pouvant rivaliser avec la Porsche 911. Après une JS1 à moteur Ford lancée en 1969, le constructeur de Vichy frappe un grand coup en remportant le Tour de France en 1974 avec une JS2 à moteur Maserati, avant de s’engager en formule 1 de 1976 à 1996. Une Ligier JS2 à moteur Ford Cosworth de 1975 participe d’ailleurs à l’édition 2017 du Tour Auto.
Confidentielles. Bien sûr, parmi les constructeurs français de voitures de sport des années 1960, il faut aussi rappeler le rôle central joué par CG, d’après les initiales des familles Chappe et Gessalin, qui créèrent une entreprise de carrosserie commune dans l’immédiat après-guerre. Après avoir construit sa réputation en habillant notamment la Talbot qui remporta les 24 Heures du Mans en 1950 et la première Alpine A106 en 1955, la société Chappe et Gessalin créa sa propre marque CG en 1966 et se lança dans la production de ses propres petits coupés sport à moteurs Simca 1200 puis 1300. Malheureusement, le premier choc pétrolier et l’instauration des limitations de vitesse eurent raison de la marque CG, qui déposa le bilan en 1974.
Plus confidentielles encore, il faut citer les marques Jidé et BSH. Dans les deux cas, il s’agis-
sait pour ces petits artisans de tenter de battre les Alpine en course. Pour y parvenir, Jacques Durand, le créateur des Jidé, conçoit un coupé ultracompact et abaissé au maximum – il culmine à 1 mètre de hauteur –, animé par les mêmes moteurs Renault que ceux utilisés par Alpine, mais installés en position centrale arrière (et non en porte-à-faux comme sur l’A110) pour optimiser l’efficacité de son comportement. Trois Jidé, une 1300 et deux 1600, peuvent être admirées cette année sur le Tour Auto.
La marque BSH est elle aussi formée à partir des initiales de ses créateurs, François Benais et Max Saint-Hilaire. Installés à Issy-lesMoulineaux, les deux compères y fabriquèrent, à partir de 1969, des petits coupés dont la carrosserie en polyester s’inspirait des prototypes de circuit comme la Lola T70. La particularité de la BSH, elle aussi construite autour d’un moteur Renault installé en position centrale, résidait dans son mode de commercialisation : elle était vendue en kit, le montage restant à la charge du client final. La formule ne connut malheureusement pas un grand succès. C’est un très rare exemplaire datant de 1971 de cette marque BSH disparue que le public du Tour Auto peut admirer cette ette ann année