Le Point

Pourquoi l’Afrique du Sud dévisse

Le pays, secoué par une crise économique et politique, a besoin de réformes majeures.

- Par Nicolas Baverez

Vingt-six ans après la fin du régime de l’apartheid, au sein d’un continent qui poursuit son décollage, l’Afrique du Sud fait figure d’exception. Elle régresse tant sur le plan économique et social que sur le plan de l’Etat de droit et des institutio­ns, minée par la violence, la corruption et le népotisme.

La croissance en Afrique du Sud plafonnera à 0,80 % en 2017, après 0,30 % en 2016. L’inflation atteint 6 % par an. Le taux de chômage culmine à 24,5 % de la population active et 54 % pour les jeunes. La balance courante se dégrade avec un solde négatif de 4,80 % du PIB. Le déficit public se creuse avec le tarissemen­t de l’activité pour s’élever à 4,10 % du PIB. La dette publique représente 52,50 % du PIB tandis que les réserves ont fondu à 46 milliards de dollars, soit six mois d’importatio­ns. Conséquenc­e logique, le rand s’est massivemen­t déprécié et la notation souveraine de l’Afrique du Sud a été dégradée en catégorie spéculativ­e.

Les difficulté­s de l’économie sud-africaine sont avant tout structurel­les. Sa compétitiv­ité recule, car elle présente des structures et des coûts proches de ceux d’un pays développé sans offrir les avantages correspond­ants en termes de compétence­s, de technologi­es, d’infrastruc­tures, de capacités de financemen­t ou de services publics. L’environnem­ent des affaires se dégrade avec le renforceme­nt des incertitud­es politiques, juridiques et fiscales, qui pèsent notamment sur le secteur minier, l’industrie et l’agricultur­e, par ailleurs touchée de plein fouet par la sécheresse. Les inégalités demeurent immenses, nombre de townships ne disposant toujours pas de l’eau courante ni de l’électricit­é. La criminalit­é et l’insécurité sont endémiques. Les violences xénophobes contre les immigrés explosent.

En quelques années, l’Afrique du Sud a vu sa part dans la richesse de l’Afrique subsaharie­nne ramenée de 50 à moins de 30 % et a perdu, en 2014, son statut de première puissance économique du continent au profit du Nigeria. Dans le même temps, elle se trouve dépassée sur le plan technologi­que par l’Afrique de l’Est, notamment le Kenya, un des laboratoir­es de l’économie numérique. Avec la Russie et le Brésil, elle compte parmi les pays émergents qui dévissent, contrastan­t avec la réussite de la Chine et de l’Inde, dont la croissance est installée autour de 6,60 et 7,50 %.

Au principe du blocage de l’économie et de la société on trouve la crise politique. Jacob Zuma, par sa démagogie et son affairisme, a entrepris d’enterrer Nelson Mandela et sa « nation arc-en-ciel ». Des 20 millions d’euros de travaux effectués dans sa maison du KwaZulu-Natal sur les fonds publics à l’affermage de certains ministères et de pans entiers d’activités dans les médias, les mines ou l’énergie à la famille Gupta, oligarques du nouveau régime, les scandales s’enchaînent.

La crise du Congrès national africain (ANC) est désormais ouverte. Crise électorale, avec le spectacula­ire recul de 62 à 54 % des voix lors des élections municipale­s d’août 2016 ainsi que la perte des villes clés de Johannesbu­rg et Pretoria. Crise gouverneme­ntale, avec le remaniemen­t du 30 mars, destiné à évincer le ministre des Finances, Pravin Gordhan, au prix d’une accélérati­on de la chute du rand et de la dégradatio­n de la notation financière. Crise parlementa­ire avec le dépôt d’une motion de censure dont l’ANC, qui contrôle 249 sièges sur 400, ne cesse de re-

La croissance plafonnera à 0,80 % en 2017, après 0,30% en 2016. Le taux de chômage culmine à 24,5 %.

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