Durant trente ans, l’antifascisme a été l’angle d’attaque des intellectuels, des politiques et des médias contre le FN. Choses vues.
Il faut avoir assisté à ce spectacle : Marine Le Pen débarquant dans une grande rédaction. Croyez-moi, seul Bill Gates provoque davantage de curiosité. Des stagiaires aux placardisés, des responsables au personnel administratif, c’est la ruée : tout le monde veut voir de près la bête immonde, parfois même se faire présenter à la cheftaine fasciste. Un mélange de curiosité morbide et d’horreur sacrée se lit dans les regards. Sur cet alliage de fascination et de répulsion, la psychanalyse pourrait nous révéler bien des mystères. Mais le principal problème que nous pose le Front national est là : il a été progressivement érigé en objet de séduction échappant à la froide analyse politique. Rien de plus dangereux.
C’est d’autant plus paradoxal que l’intéressée n’a rien, vraiment, qui puisse ravir ou ensorceler. Marine Le Pen est une bonne fille que rien – sinon son héri- tage familial – ne destinait à diriger une grande formation politique. C’est ce qui ressort du livre de Renaud Dély « La vraie Marine Le Pen. Une bobo chez les fachos » (Plon). On l’imagine plus facilement boire des bières en racontant des histoires un peu salaces avec des potes dans les bistrots branchés du 11e arrondissement que participer à une réunion du G20. Mais voilà : cela fait plus de trente ans qu’une gauche en panne d’idées neuves croit pouvoir surfer sur l’« antifascisme ».
Comme on le sait à présent, c’est François Mitterrand qui a permis au Front national de sortir de sa léthargie groupusculaire : aux élections législatives de 1978, ses 156 candidats obtenaient 0,3 % des suffrages ; à la présidentielle de 1981, Jean-Marie Le Pen, marginalisé, ne parvint même pas à réunir les 500 parrainages nécessaires ; aux législatives de 1981, le FN