Le Point

Sommes-nous en 1958 ?

Eclatement des grands partis, affaibliss­ement de l’exécutif… la situation actuelle évoque la fin mouvementé­e de la IVe République.

- PAR FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN

Mardi 1er octobre 1957 : le gouverneme­nt Bourgès-Maunoury n’obtient pas la confiance de la majorité des députés. Le 22e gouverneme­nt de la IVe République est tombé avec son nouveau statut sur l’Algérie, qui ne satisfaisa­it personne, ni défenseurs de l’Algérie française ni partisans d’un dialogue avec le FLN. Sur fond d’une torture révélée dans la presse, d’un discrédit internatio­nal, qui met la France au ban des nations, sur fond, aussi, de finances publiques en berne, le régime est entré dans ce que Georgette Elgey, qui lui a consacré six volumes (Fayard), a baptisé « son état critique » . Cinq mois plus tard, la mission américaine de bons offices acceptée par le gouverneme­nt de Félix Gaillard après le plus long conseil des ministres de notre histoire – près de douze heures – mais qualifiée de « Diên Biên Phu diplomatiq­ue » provoque sa chute et hâte l’agonie du régime. Ni Georges Bidault retoqué le 22 avril 1958 par son propre parti, le MRP, ni René Pleven, pourtant conciliate­ur hors pair, à qui les radicaux-socialiste­s font payer la présence d’André Morice au ministère de la Défense, ne vont réussir à former un nouveau gouverneme­nt. Lorsque Pierre Pflimlin, MRP, y parvient enfin, le 13 mai, après une vacance du pouvoir qui a duré près d’un mois, il est contré le même jour par un mouvement insurrecti­onnel à Alger, où le général Salan, pourtant délégué du pouvoir en Algérie, fait acclamer le surlendema­in le nom de De Gaulle. Ce jour-là, celui-ci, qui se refuse à condamner les généraux factieux, se dit prêt en revanche à assumer les pouvoirs de la République, ce qu’il confirme quatre jours après dans une conférence de presse demeurée célèbre, au Palais d’Orsay. Nul mieux que René Pleven, ministre des Affaires étrangères de ce dernier gouverneme­nt Pflimlin, n’a résumé la paralysie générale lorsqu’il prend la parole, le 28 mai, au cours de l’ultime conseil des ministres : « Nous représento­ns le pouvoir légitime, nous débattons du pouvoir, mais nous n’avons plus aucun pouvoir. Voici le ministre de l’Algérie : il ne peut se rendre en Algérie. Voici le ministre du Sahara : il ne peut y mettre les pieds. Voici le ministre de la Défense nationale : l’armée ne lui obéit plus. Voici le ministre de l’Intérieur : la police lui échappe. Le ministre de l’Informatio­n, il ne peut que censurer et difficilem­ent. Quant à moi, ministre des Affaires étrangères, j’ai mis au point un protocole d’accord avec la Tunisie que je ne peux même pas signer. »

Nous n’en sommes pas là. Nous n’en sommes plus là. Le régime n’est pas en crise. La guerre civile ne menace pas. Un problème extérieur, l’Algérie, ne paralyse pas le pouvoir. L’Etat n’est pas au bord de la

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