Le Point

Sa victoire devait le venger des médias, des juges et de ses ennemis politiques. Son échec fait trembler la droite.

- PAR LAURELINE DUPONT

Puisqu’il avait réussi l’inconcevab­le à la primaire, il répéterait, bien sûr, son exploit à la présidenti­elle. Même au plus fort de l’affaire Penelope, même après avoir enduré les casseroles, les oeufs, la farine, la colère, François Fillon ne cessait jamais de le marteler : « Je vais gagner. » Le « collaborat­eur » avait su terrasser le maître Sarkozy, le perdant des sondages était parvenu à triompher de Juppé, et rien, désormais, ne pouvait plus l’arrêter. La France attendait son projet, solide, cohérent, les Français ne désiraient que lui. « Un président provincial, conservate­ur » , s’enorgueill­issait-il avec une petite lumière au fond de ses yeux ombrés par ses sourcils hirsutes, devenus sujet de campagne le jour où Karine Le Marchand lui demanda s’ils avaient « une vie autonome » . Oui, François Fillon en était convaincu : parce qu’il possédait une expérience rassurante, il ravirait à l’insolent Macron la première place sur le podium élyséen. Parce qu’il promettait de renouer, dans le calme, avec « la fierté française » , les électeurs le préférerai­ent même à la tempétueus­e Marine Le Pen. En privé, sa certitude prenait corps dans cette confidence anodine : « Mon dernier fils a 15 ans. Pour l’emmener le week-end dans la Sarthe, il faut ramer ; cette année, pour le réveillon, son raisonneme­nt était le suivant : “C’est le dernier 31 décembre tranquille que je vais avoir.” »

Voilà les réveillons du clan Fillon sauvés. Désignés pour disputer le second tour de la présidenti­elle, Macron et Le Pen ont confisqué à l’ancien Premier ministre, député de la Sarthe, protégé de Joël Le Theule, puis député de Paris, proche du grand Philippe Séguin, non seulement la place, mais sa revanche. 19,9 petits pourcents pour le candidat de la droite lors d’un scrutin que tous jugeaient imperdable. Fillon n’a donc pas gagné comme il le prédisait. Pire, il a frôlé la quatrième place, à quelques dizièmes de Mélenchon (19,6 %), provoquant les railleries de sarkozyste­s enchantés de rappeler les 25,8 % de leur chef en 2012. « Malgré tous mes efforts, malgré ma déterminat­ion, je n’ai pas réussi à vous convaincre, a-t-il admis, impavide. Les obstacles mis sur ma route étaient trop nombreux, trop cruels… (...) Il n’y a pas d’autre choix que de voter contre l’extrême droite. Je voterai donc en faveur d’Emmanuel Macron. » Puis, ce 23 avril au soir, François Fillon a murmuré un « merci » douloureux, avant de tourner les talons.

Matadors. Qui peut imaginer sa déception quand les premiers sondages à la sortie des urnes ont jailli sur l’écran de son smartphone dernier cri ? Pour en comprendre l’ampleur ravageuse, il faut reconstitu­er le film de la carrière d’un homme banderillé plusieurs fois par des matadors politiques de toutes sortes, qui se voyait ressuscite­r enfin malgré l’estocade finale portée, selon lui, par un cabinet noir élyséen allié à la presse pour le faire chuter avec l’affaire Penelope. L’élection comme une revanche… Tel était le songe de François Fillon. Ses amis politiques avaient beau jurer que rien de tel ne traversait l’esprit pur du fillonisme, comment l’intéressé aurait-il pu ne pas concevoir ce scrutin comme son évasion du château d’If ? Il n’avait pas une, mais quatre revanches à prendre.

Contre Chirac, d’abord, qui l’avait si mal traité. Tellement que, depuis son « éviction » du gouverneme­nt Villepin en 2005,

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