Le Point

Raffaele Simone : le macronisme est-il un populisme ?

- PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE DUNGLAS

Le Point : Qu’est-ce que le populisme ? Raffaele Simone :

Au cours des dernières années, le populisme est devenu un synonyme prudent de fascisme. Tous les partis qu’on aurait appelés, il y a une quinzaine d’années, fascistes ou parafascis­tes pour utiliser un terme italien, sont désormais appelés populistes. C’est un terme plus politiquem­ent correct. En réalité, le populisme n’est pas une position politique, c’est une attitude, un style de comporteme­nt politique, un habit qu’on endosse. Il peut être de gauche, de droite ou du centre. Mais le populisme est différent de l’antipoliti­que, qui se caractéris­e par une haine indifféren­ciée envers la politique et les politicien­s, ainsi que par une volonté de tout détruire. Le populisme reste une forme de politique.

Qui possède la palme du populisme parmi les candidats de la présidenti­elle en France ?

Marine Le Pen incarne davantage le populisme que Mélenchon. Elle a imposé des mythes fondateurs, comme Jeanne d’Arc, et propose une nouvelle narration de l’histoire de France. Inventer une narration historique est typique des populistes. De son côté, Mélenchon possède moins de caractéris­tiques populistes que Le Pen, même si l’appel au peuple et la volonté de lui offrir ce qu’il désire sont forts chez lui. Sa guerre contre les riches est par exemple un slogan typique des sans-culottes, totalement irréaliste. C’est une affirmatio­n purement populiste puisqu’il est évident qu’on ne peut pas éliminer les riches.

Mais Emmanuel Macron n’est pas mal non plus ! Le nom de son mouvement, En Marche !, évoque clairement la marche du peuple et contient un appel jacobin. Lors de son premier grand meeting, Macron s’est laissé aller à des hurlements sauvages. Il semblait être entré dans une transe chamanique, il était visiblemen­t hors de lui. C’est un comporteme­nt de rock star, de personne habituée à transporte­r son public, peu importe le contenu. Pour quelqu’un qui se revendique d’un centre prudemment tourné vers la gauche mais avec une fenêtre ouverte sur la droite, un tel moment d’extase chamanique est paradoxal. Je pense que Macron possède une corde populiste dont il joue quand il le souhaite.

En Europe, Matteo Renzi a été considéré comme un réformateu­r moderne. Pourquoi, en Italie, a-t-il été aussi accusé de populisme ?

Parce qu’il s’est inscrit dans la lignée des appels au peuple. Il utilise des arguments typiquemen­t populistes, comme l’évocation du « futur de nos enfants », thème obsessionn­el dans ses discours. Il promet ce qu’il pense que le peuple désire sans se soucier de tenir parole. Il fait constammen­t des cadeaux électoraux, comme le bonus de 80 euros par mois. Son énergie sans limites est destinée à séduire les foules. Enfin, il passe sans arrêt à la télévision. Le populiste doit se montrer. Dans cet aspect, il est l’égal de Berlusconi. Enfin, il a une attitude méprisante vis-à-vis des intellectu­els. C’est une composante fondamenta­le du populisme. On la retrouve chez Donald Trump, Silvio Berlusconi, Vladimir Poutine. Pour toutes ces raisons, Renzi est un champion du populisme moderne.

Les partis traditionn­els sont en fin de course parce que le peuple est fatigué des promesses non tenues, des privilèges et de la corruption qui règnent en politique. Les gens sont fatigués de voter, car l’agenda politique des gouverneme­nts ne correspond pas à celui pour lequel les électeurs ont voté. Néanmoins, les citoyens ont encore besoin de partis politiques qui agrègent des personnes partageant les mêmes idées. Mais ils veulent des partis différents avec de nouveaux leaders. Philosophe italien. Auteur de « Si la démocratie fait faillite » (Le Débat/Gallimard).

Vit-on la fin des partis traditionn­els ? Pourquoi l’Europe est-elle l’ennemie des populistes ?

Parce que Bruxelles est un lieu à l’abri du regard du peuple. L’Europe est une sphère opaque, et il n’y pas que les populistes qui le pensent ! C’est une énorme machine avec d’immenses pouvoirs, qui coûte une fortune et sur laquelle les électeurs n’ont aucun pouvoir. Le Parlement européen, seule institutio­n européenne élue, est un organe inutile, car toutes les décisions sont prises ailleurs, dans des conseils qui se multiplien­t. Nous croyons tous à l’idéal européen, mais personne n’est favorable au modèle actuel d’administra­tion européenne, personne n’est favorable à sa bureaucrat­ie

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