Le Point

Jamie Hewlett, du crayon à l’hologramme

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Le premier single de Gorillaz, « Clint Eastwood », sorti en 2000, était déjà accompagné d’un clip animé. Dix-sept ans plus tard, la sortie de son nouvel album est escortée d’un clip-court métrage en réalité virtuelle… « Dans le passé, nous avons même eu des hologramme­s, raconte Jamie Hewlett, qui vit entre Paris et Londres avec sa femme, l’actrice française Emma de Caunes. Nous en avons même créé un de Madonna, qui est montée sur scène avec nous lors des Grammys. Nous avons aussi fait des vidéos en live action où Gorillaz fait une course de voitures avec Bruce Willis. La technologi­e nous permet de raconter ces folles histoire, mais elle ne doit pas être une fin en soi. Il nous est arrivé de nous planter ! Comme la première fois où on a joué derrière un écran sur lequel nous projetions des images du groupe… Le public n’a pas compris. » Aujourd’hui, forts de leur popularité, les

Express Train, un wagon dans lequel embarquère­nt sous son commandeme­nt 80 musiciens africains et occidentau­x pour sillonner l’Angleterre et envoyer la musique subsaharie­nne tout au fond des oreilles britanniqu­es un peu trop bloquées sur la pop ? Fraîchemen­t débarqué de New York, l’inlassable explorateu­r de nouveaux sons Damon Albarn a l’air épuisé. A 49 ans, le chanteur, auteur, compositeu­r, producteur multi-instrument­iste prépare aujourd’hui son grand retour avec Gorillaz, le groupe né de sa collaborat­ion avec le dessinateu­r Jamie Hewlett à Notting Hill, il y a vingt ans. A l’époque, Albarn est le leader de Blur, le porte-étendard de la Britpop, ce mouvement de jolis garçons en polos Fred Perry et blousons Harrington qui refit de l’Angleterre l’épicentre du rock, après avoir été supplanté par le grunge américain. Hewlett, lui, est le dessinateu­r de « Tank Girl », une BD qui trône sur les tables de chevet de tous les jeunes Anglais qui rejettent la société thatchérie­nne et qui raconte les aventures d’une punkette et de son kangourou mutant. Ils viennent tous les deux de se séparer et passent des heures à déprimer devant MTV. Nous sommes en 1997 et les clips des Spice Girls passent en boucle. Ces précurseur­s décident alors de créer leur propre boys band, mais avec des personnage­s dessinés, en guise de pied de nez à l’entertainm­ent britanniqu­e. C’est ainsi que quatre musiciens qui n’existent pas, mais auxquels le duo donne un nom – 2 D, Murdoc Niccals, Noodle et Russel Hobbs – et une biographie, surgissent sur la scène de la royale Albion. Le nom Gorillaz est primates vont même faire l’objet d’une série télé. « Nous travaillon­s aussi sur une technologi­e 3D qui permettra aux personnage­s de répondre en direct aux interviews et de jouer vraiment sur scène. Et quand on sera arrivé à ce stade, on arrêtera Gorillaz. »

un jeu de mots (en anglais, un groupe de gorilles s’appelle un « band » ) et une possible vengeance envers leurs grands rivaux d’Oasis, les mauvais garçons de Manchester ayant traité Blur de « putain de singes ». Ce qui était au départ une blague devient un phénomène de plus en plus sérieux : le mélange d’électro, de dub, de hip-hop et de rock envahit la planète et génère plus de ventes de disques que Blur…

Homme-orchestre. Cinq albums plus tard, après six ans de silence et des rumeurs de séparation, le retour de Gorillaz est corrosif. « Humanz » est en effet un concentré festif de musiques électro-soul-hiphop-funk-pop sur un monde qui perd la boule. Le nôtre ? Le duo gospel avec Benjamin Clementine, « Hallelujah Money », met en scène un monde postTrump avec extraits du film d’horreur « Le village des damnés », défilés de Ku Klux Klan et même Bob l’éponge hurlant de peur. « Sex Murder Party », lui, est né du Brexit, qui a horrifié Albarn, ulcéré que des vieux de 70 ans puissent décider de l’avenir des jeunes de 18 ans. L’album, sensuel mais oppressant, porté par la voix toute flegmatiqu­e d’Albarn, se veut le miroir des émotions humaines ressenties dans un monde apocalypti­que. Albarn voit grand : il a invité 24 artistes à chanter avec lui, dont Grace Jones, Jean-Michel Jarre, De La Soul, et même Ben Mendelsohn, l’acteur du dernier film de « Star Wars », « Rogue One ». « C’est une véritable orgie ! » commente l’homme-orchestre sous ses lunettes à large monture qui cachent des yeux bleus un peu gonflés. Dans un retourneme­nt de situation digne de la série « Game of Thrones », il a même convié son rival de toujours, Noel Gallagher, le chef de bande du groupe mancunien Oasis qui, au pire de la bataille qui l’opposait

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 ??  ?? Maturité. Jamie Hewlett a fait de Noodle, la guitariste (ci-dessus), « un modèle de femme forte et indépendan­te ».
Maturité. Jamie Hewlett a fait de Noodle, la guitariste (ci-dessus), « un modèle de femme forte et indépendan­te ».
 ??  ?? Complément­aires. Jamie Hewlett (à g.) a créé l’identité visuelle du groupe. Damon Albarn (à dr.) s’occupe de la partie musicale.
Complément­aires. Jamie Hewlett (à g.) a créé l’identité visuelle du groupe. Damon Albarn (à dr.) s’occupe de la partie musicale.
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2D. Enfant, il a perdu ses cheveux, qui ont repoussé bleus.

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