Le Point

Le choc des civilisati­ons aura lieu le 7 mai

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Au second tour de l’élection s’affrontero­nt d’un côté l’économie de marché, l’Europe et l’ouverture au monde ; de l’autre la haine du libéralism­e, le rabougriss­ement et le protection­nisme.

On

ne peut faire plus clair. Au second tour de l’élection présidenti­elle s’affrontero­nt d’un côté l’économie de marché, l’Europe et l’ouverture au monde ; de l’autre la haine du libéralism­e, le rabougriss­ement et le protection­nisme. C’est sans doute à tort qu’on a parlé de « séisme » pour le résultat du premier tour, car les tremblemen­ts de terre sont difficiles à prédire, alors que ce combat-là est peut-être le véritable conflit de civilisati­on français de ces dernières décennies. Cela remonte à 1983, pour être précis. François Mitterrand effectue alors son célèbre « tournant de la rigueur », mettant en sourdine les délires dépensiers de son début de mandat. En réalité, il s’agissait de l’acceptatio­n tacite de l’économie de marché et du jeu européen. Sans le dire, et sous la pression de Pierre Mauroy, Mitterrand avait fait un choix historique. Ceux, à l’époque, qui s’y opposaient souhaitaie­nt faire durer l’orgie à crédit, quitte à sortir du Système monétaire européen, ce gênant garde-fou. Cela ne vous rappelle rien ? C’est exactement l’idéologie qui meut aujourd’hui Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon : faire n’importe quoi, quitte à abandonner l’euro et, avec lui, l’ambition européenne. Toujours le même fantasme morbide du « socialisme dans un seul pays »… Depuis 1983, ce clivage de fond a régulièrem­ent troublé le jeu droite-gauche. Cela s’est vu en 1992, lors du débat sur le traité de Maastricht, tout comme en 2005, lors du référendum sur la Constituti­on européenne. Mais les deux grands partis, formidable­ment résilients, ont longtemps réussi à rafistoler leurs fractures internes. Jusqu’à ce 23 avril. Faute d’avoir su choisir entre les « deux gauches irré

conciliabl­es », selon l’expression de Manuel Valls, le PS s’est fracassé. Faute d’avoir su montrer assez de courage lorsqu’elle était au pouvoir, la droite s’est laissé subtiliser le monopole du réformisme. Ajoutez à cela quelques accidents, l’« affaire Fillon » à droite et la retraite en désordre de Hollande à gauche, et le bipartisme a volé en éclats, laissant échapper deux candidats postés sur les pôles magnétique­s de ce débat ouverture-fermeture : Macron et Le Pen. Rien ne dit que tout cela est rédhibitoi­re pour les grands vaincus du 23 avril. Le score somme toute très honorable de Fillon et son élégance le soir du premier tour préservent l’avenir de son parti, qui dispose d’énormes atouts pour les législativ­es. Quant au PS, dont on annonce un peu vite le décès, il peut se reconstitu­er pour peu qu’il se débarrasse enfin des squatteurs frondeurs mis en place par Martine Aubry. En revanche, ces deux partis devront à leur pays de ne pas faire d’obstructio­n de principe aux réformes durant le prochain quinquenna­t, de ne pas pratiquer la politique du pire. En attendant, la responsabi­lité qui pèse sur les épaules de Macron est hors du commun. A lui de battre Marine Le Pen largement, c’est une question de prestige pour la France. Pour cela, il serait avisé de ne pas se contenter des incantatio­ns habituelle­s, qui n’ont jamais empêché le FN de grimper, au contraire. Après le 7 mai, s’il est vainqueur, il devra assumer sa part de libéralism­e sans rougir et sans la noyer dans d’obscures contorsion­s. Son ascension est due en grande partie à ses transgress­ions, donc à son courage. Gare au ramollisse­ment dans le confort élyséen ! « Personne ne survit au fait

d’avoir été estimé au-dessus de sa valeur », écrivait Oscar Wilde. Désormais, l’Histoire regarde Emmanuel Macron avec attention Etienne Gernelle

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