Manipulation génétique, fantasmes et réalité
Le débat théorique sur cette pratique exacerbe les passions. Or, dans les faits, elle permet de réelles avancées. Exemples.
La
manipulation génétique est l’objet de discussions violentes. Certaines entrent dans le champ de l’interdiction de modifier la nature, d’autres dans celle de modifier l’oeuvre de Dieu. Tant que ces discussions restent à un niveau théorique et qu’elles n’ont pas de conséquences directes pour les uns ou pour les autres, ces fantasmes peuvent se développer. Mais, dès que ce type de médecine nous rend un service dans les faits, nous oublions la théorie pour entrer dans la réalité. Je voudrais en donner quelques exemples.
Le premier est la modification génétique des bactéries, qui nous permet de fabriquer des produits indispensables à notre santé. Les diabétiques sont traités avec de l’insuline générée par manipulation génétique. Concernant la querelle sur les OGM, elle est objet de débat chez nous car nous vivons dans une abondance agricole qui fait que personne ne meurt de faim – et qui génère, même, des surplus. Nous pouvons donc négliger une partie des pesticides et ne pas utiliser d’organismes génétiquement modifiés. Mais, en ce qui concerne les pays les plus pauvres où l’on meurt de faim, où la malnutrition tue encore plusieurs millions de personnes par an, ce débat est surréaliste. L’augmentation de la production de blé, de riz, de maïs ou de soja est une nécessité pour les pays pauvres qui n’ont pas de surface agricole comme la nôtre. Car leur problème, précisément, est la dénutrition, pas l’obésité.
De notre côté, nous pouvons nous permettre la baisse des rendements nécessaires à la mise en place d’une culture biologique, car le manque alimentaire ne représente pas un risque pour nous. Mais les choses changeraient immédiatement si la question était inversée. Concernant la manipulation de l’homme, qui fait l’objet de multiples débats, tant que les propositions concrètes n’existeront pas ou resteront limitées, les débats en matière d’éthique virtuelle pourront continuer. Mais, dès que l’on pourra proposer de guérir les cancers, les malformations ou de gagner dix ans de vie par manipulation génétique des cellules, les gens se prononceront alors en fonction de leur intérêt, et plus sur des questions virtuelles qui ne les concernent pas directement.
Nous n’aurons une vision claire de ce que les hommes pensent de la manipulation génétique de leurs cellules ou de celles de leurs enfants que quand cela sera devenu une pratique fonctionnelle. D’ici là, ces débats sont oiseux, et, même si la loi française devait interdire de faire les études nécessaires, dans le reste du monde ce domaine est en train de se développer à une vitesse folle : la thérapie génique est sur le point de devenir concrète. Nous verrons bien si, le jour où ils seront concernés, les gens refuseront la possibilité d’être traités par cette médecine, même si elle transgresse des tabous ancestraux
Les diabétiques sont traités avec de l’insuline générée par manipulation génétique.