République
cro-sieste royale, dans la chambre attenante, le président français et la chancelière allemande ont organisé en cachette une rencontre entre les présidents russe et ukrainien… C’est lui toujours qui improvisera une histoire accommodante, débitée la mine impassible, quand le responsable de la diplomatie britannique sortira de la chambre de la souveraine, intrigué par le remue-ménage entendu à travers le mur du château… Organiser, prévoir, rappeler, conseiller et faire face aux imprévus, voilà à quoi ressemble le job d’un chef du protocole à l’Elysée. « Pour exercer cette mission, il ne faut pas être un mondain ni aimer les salamalecs, mais au contraire être un hyperlogisticien, ayant l’oeil à tout » , résume Laurent Stefanini, qui fut six ans en poste à la présidence de la République et cinq ans à Matignon. Son adjoint, Frédéric Billet, lui a succédé en mai 2016, accompagnant la dernière année de mandat de François Hollande et conservant ses fonctions au côté d’Emmanuel Macron. Les Français l’ont ainsi découvert, ce 27 juillet, attendant, un papier roulé dans la main, en bas des marches du palais, que Rihanna s’extirpe de sa limousine.
Souffleur. Le mot protocole vient du grec « protos » , qui signifie premier. L’occupant de cette fonction, ayant rang d’ambassadeur, dispose en effet du privilège de passer en premier la porte quand il accompagne le chef de l’Etat. Il entre dans la pièce avant celui-ci, guidant ses pas, lui soufflant le nom des visiteurs, lui recommandant de ralentir, d’accélérer, de se presser, de ne pas oublier que, de penser à… Quand, le 11 janvier 2015, après les attentats terroristes ayant tué 17 personnes, il fallut organiser en quelques heures la marche républicaine, à laquelle participent 44 chefs d’Etat étrangers, tous reçus un par un à l’Elysée, c’est le chef du protocole qui pense à placer un souffleur derrière une colonne. Tenant dans ses mains un trombinoscope, il murmure dans l’oreille du président Hollande le nom du visiteur approchant, son pays, son titre.
Au Quai d’Orsay, le ministère des Affaires étrangères, 105 personnes sont attachées au service du protocole. Un staff réparti entre la sous-direction logistique, interprétariat et traduction, celle du cérémonial et des visites de personnalités étrangères en France – 750 chaque année –, celle encore des privilèges et immunités des agents diplomatiques présents sur notre sol. Cette sous-direction a fort à faire, puisque la France compte 10 000 diplomates et 40 000 personnes « à statut particulier » . Notre pays est en outre celui comptant le plus de résidences secondaires de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers : une soixantaine. Le pro-
Laurent Stefanini, aujourd’hui ambassadeur à l’Unesco