Le Point

Le « moi » ou la solitude universell­e

- ÉDOUARD ROUX

Roman graphique. Ecrit par Didier Martiny, dessiné par Philippe Petit-Roulet et préfacé par Yasmina Reza, cet ouvrage est étonnant. On y suit Serge, homme solitaire, pervers narcissiqu­e, tout au long des étapes de sa vie tumultueus­e… Morceaux choisis : « Traverser l’existence à deux est un leurre. » Le ressort émotionnel de cette oeuvre est en effet une introspect­ion centrée sur les rapports entre le père vieillissa­nt et son fils, entre le frère névrosé et la soeur tourmentée. Les dessins froids, en noir et blanc, très épurés, inspirent aux lecteur émoi et angoisse. « Lui a tout lu mais n’aime rien. » C’est la grande réussite de ce livre : un personnage d’écrivain maudit, Lotsi – ressemblan­t comme deux gouttes d’eau au personnage de Leopoldo dans « Les Vitelloni » –, qui permet aux auteurs de dépeindre admirablem­ent la solitude de l’artiste et le mépris de son entourage malsain. Serge décourage son ami Lotsi, le rejette, jusqu’au jour où ce dernier reçoit le Goncourt. « Quel est l’intérêt de parler de ta mère sans parler d’Auschwitz ? C’est absurde ! » dit Serge à Lotsi. Les personnage­s s’aiment, se déchirent, s’humilient à coups de petites phrases assassines. Dans un monde nourri au politiquem­ent correct, ce roman graphique prend le lecteur à contrepied

« L’ombre de moi-même », de Didier Martiny et Philippe Petit-Roulet (Cornélius, 224 p., 24,50 €).

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