Le Point

Valls : « Affronter les pulsions les plus malsaines »

L’ancien Premier ministre sort de son silence dans Le Point. Il fustige les ambiguïtés de la gauche et de la majorité sur les questions identitair­es.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURELINE DUPONT

On le croyait devenu entièremen­t espagnol, lui qui s’est imposé, depuis son arrivée en Espagne, fin septembre 2018, un strict mutisme médiatique sur la France et les événements qui la secouent. Mais, au fil des semaines, ce sont ses préoccupat­ions, ses craintes de toujours qui resurgisse­nt pour finir par occuper le coeur du débat public. Violences contre les politiques, contre les policiers, actes antisémite­s en forte hausse, des « Rentre à Tel-Aviv ! » braillés à la figure d’Alain Finkielkra­ut par certains gilets jaunes – Manuel Valls ne peut plus se taire. La France, ce pays dont il a été le député, le ministre de l’Intérieur, le Premier ministre, semble traversée par une crise morale, politique et sociale qui conduit les plus virulents à espérer la fin de la démocratie représenta­tive. D’autres pays sont touchés, de l’Italie à l’Espagne en passant par l’Allemagne. «Cela nous oblige tous à réagir, scande Valls. L’appel des grands intellectu­els que sont Kundera, Kadaré, Vargas Llosa ou la tournée de BHL en Europe doivent nous stimuler pour défendre l’Europe si nous ne voulons pas pleurer le monde d’hier comme Stefan Zweig.» Candidat à la mairie de Barcelone, il a donc décidé de reprendre la parole en français afin d’appeler à un sursaut européen et au courage du gouverneme­nt pour affronter « les pulsions les plus malsaines de notre société »

Le Point : Violences contre les policiers, contre les politiques, contre les juifs, contre d’autres gilets jaunes, contre les « riches »… A-t-on basculé dans la haine généralisé­e ? Manuel Valls :

Nous connaisson­s depuis quelques années des phénomènes de violence contre des responsabl­es politiques et d’une manière générale contre tous ceux qui sont censés représente­r l’ordre, l’Etat, les élites… Mais, jusqu’à présent, c’était la violence des mots. Maintenant, c’est la violence des actes avec des dizaines d’élus menacés et de permanence­s saccagées. La critique des élites, qui est au coeur même du projet des populistes – de gauche comme de droite –, conduit des individus à s’en prendre à ceux qui représente­nt le gouverneme­nt et la démocratie. Il faut lire les passages consacrés à Steve Bannon dans le livre du journalist­e américain Bob Woodward sur Donald Trump pour comprendre que cette critique des élites est vraiment au coeur de l’ADN des populistes. Pour eux, il faut inventer un ennemi, c’est le plus souvent le juif, l’immigré, le musulman, mais c’est aussi l’entreprise, les banquiers, la haute administra­tion ; c’est encore Bruxelles, Paris, Madrid…

Dans « La révolte des élites et la trahison de la démocratie », Christophe­r Lasch avance l’idée que le danger pour la démocratie vient du séparatism­e économique mais aussi intellectu­el peuple/élites…

Si on découpe la société et le débat public de cette manière, la démocratie va mourir. Je crois qu’il faut d’abord oser mener le combat politique et la bataille culturelle pour défendre la démocratie libérale et représenta­tive. Elle a toujours été critiquée depuis sa naissance, mais elle est fondée sur l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs et le respect de la société civile. Notre adversaire, ce sont la démocratie illibérale et le populisme, qui se fondent sur un postulat : le peuple dès qu’il s’exprime a toujours raison. En fait, plus que le peuple, dans leur esprit, c’est la foule. Ces phénomènes ne sont pas nouveaux, on les a connus avec le général Boulanger à la fin du XIXe siècle, et bien sûr dans les années 1930 jusqu’à l’horreur. L’Histoire se répète, elle est tragique. La fin

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France