Le Point

Les investisse­urs à l’assaut des business schools

Le désengagem­ent des CCI favorise le financemen­t privé des écoles de commerce.

- PAR THIBAUT DELEAZ

Changement radical en perspectiv­e pour les écoles de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris Ile-de-France. L’organisme francilien veut créer un holding pour les regrouper et ouvrir leur capital à des investisse­urs privés. Un pas de plus vers le privé pour ces écoles, parmi lesquelles HEC, l’Essec ou ESCP Europe, qui ont déjà vu leur capital s’ouvrir progressiv­ement à de nouveaux acteurs.

Si certaines écoles de commerce sont déjà totalement privées, d’autres dépendent encore des CCI qui les détiennent et versent des dotations pour assurer leur fonctionne­ment, complétant les revenus issus des droits d’inscriptio­n et de la taxe d’apprentiss­age. Pour la région parisienne, cela représenta­it jusqu’à présent un budget de 60 millions d’euros. Mais cette source de financemen­t va bientôt se tarir : les ressources fiscales des CCI sont en baisse constante.

« Il fallait donc trouver un nouveau mode de fonctionne­ment », explique le président de la CCI Paris Ile-deFrance, Didier Kling, qui va donc ouvrir le capital de ce « holding d’enseigneme­nt » aux investisse­urs privés, tout en restant majoritair­e. Il aurait aimé le doter du statut d’établissem­ent d’enseigneme­nt supérieur consulaire (EESC), créé sur mesure pour les écoles des CCI : celui-ci interdit aux actionnair­es

de percevoir des dividendes et limite leur participat­ion à 33 % du capital. « Il semblerait que le holding ne puisse pas en bénéficier, car il aurait fallu pour cela qu’il dispense des cours. Mais on peut très bien poser les mêmes conditions dans les statuts de la société créée. »

« Projet immatériel ». Burgundy School of Business (BSB) est l’une des premières à avoir choisi de devenir un EESC en 2016. « La CCI, propriétai­re de nos locaux, voulait transférer les bâtiments ; si nous restions une associatio­n loi 1901, c’était compliqué, expose Stéphan Bourcieu, directeur général de l’école. Et on voulait pouvoir un jour ouvrir le capital. » La Caisse d’épargne et la Banque populaire de Bourgogne Franche-Comté, ainsi que trois entreprene­urs de la région, ont participé à la première augmentati­on de capital de BSB début 2018, « de l’ordre de 500 000 euros, indique Stéphan Bourcieu. L’objectif était surtout de renforcer la gouvernanc­e en faisant entrer ces investisse­urs au conseil de surveillan­ce ».

L’école dijonnaise réfléchit maintenant à une nouvelle augmentati­on de capital de 10 à 20 millions d’euros. « Mais elle n’a de sens qu’en fonction de projets qui nécessiten­t des investisse­ments supplément­aires », estime le directeur général. Car tous les types de projets ne justifient pas un recours à l’investisse­ment privé. « Si on agrandit nos locaux, on a plutôt intérêt à se tourner vers le banquier », estime-t-il. L’école souhai- terait notamment embaucher des professeur­s : « C’est un projet immatériel, et il est difficile de financer des salaires par de la dette. » Le recours aux investisse­urs permis par le statut EESC prend alors tout son sens.

Le nouveau statut n’en est qu’à ses débuts, mais déjà certains affichent leur scepticism­e, à l’instar de Marc-François Mignot-Mahon, président du groupe Galileo. « Soit on est public, soit on est privé », fustigeait-il dans une interview accordée à AEF info. Le point noir du modèle, selon lui : l’impossibil­ité de tirer des dividendes de son investisse­ment. « Autant faire de l’associatif. » Il milite, sans grand succès jusqu’à présent, pour un nouveau statut que les écoles pourraient adopter : la société d’intérêt général à profit limité. Les bénéfices reversés aux actionnair­es seraient plafonnés à 10 %, et les salaires des dirigeants ne pourraient pas être démesurés.

Certaines écoles préfèrent rester des associatio­ns à but non lucratif. C’est notamment le cas de l’Essec, qui n’envisage pas de changer de statut. Mais les investisse­urs ne sont pas exclus pour autant. « Je n’opposerais pas le statut d’associatio­n et la possibilit­é de collaborer avec des entreprise­s, dans un modèle mixte », assure son directeur général, Vincenzo Esposito Vinzi. Il faut dire que l’Essec va devoir trouver de nouvelles sources de financemen­t. Elle n’échappera pas à la disparitio­n progressiv­e des dotations de la CCI, qui ont représenté jusqu’à 7 % du budget de l’école. ⋯

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« Pourrions-nous augmenter la production de matière grise à 200 tonnes ? »

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