Le test de Gargantua
Dans son fameux « Journal », Jules Renard raconte cette anecdote sur son ami Alphonse Allais, qui
« s’assied à une terrasse de café par une journée de tempête, et dit : Garçon, un quinquina et moins de vent ! ».
Le décor a quelque peu changé depuis l’époque de Renard et d’Allais, puisque les ronds-points dépassent aujourd’hui en nombre les cafés, mais le débat (grand ou pas) consiste toujours en bonne partie à réclamer une météo plus clémente, en tout cas pour soi. Pourtant, la bise souffle de plus en plus fort. Ainsi avons-nous appris cette semaine que l’Asie a présenté en 2018 plus de la moitié des brevets internationaux déposés auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
Et le géant chinois des télécommunications Huawei est devenu l’entreprise numéro un en la matière…
On n’a pas encore repéré, parmi les propositions du « grand débat », un paravent à la hauteur de ce problème. Rien ne semble distraire le pays de ses deux marottes. La première, fiscale, consiste, au propre et au figuré, à regarder dans l’assiette du voisin. Les hésitations macroniennes sur l’ISF montrent qu’elle est tenace. La seconde, budgétaire, revient à attendre sous le robinet présumé – à tort – intarissable de la dépense publique. La réception des « intellectuels » cette semaine à l’Elysée n’a d’ailleurs pas dérogé à la règle puisque nombre d’entre eux ont utilisé leur temps de parole à réclamer des crédits pour leur institution. Notre grande catharsis nationale a certes bien des vertus, notamment celle de l’explication. Mais, si l’on ne change pas les horizons, l’exercice pourrait créer plus d’aigreur encore. Dans « Gargantua », Rabelais décrit un « grand débat dont furent faictes grosses guerres », ou comment une controverse acrimonieuse concernant des fouaces (pains briochés) déclencha les affrontements entre Picrochole et Grandgousier : les fameuses guerres picrocholines… Il fallut ensuite le talent et l’énergie de Gargantua pour ramener l’ordre et permettre la réconciliation. Macron est-il assez gargantuesque ?
■ P.-S. : Tous les commerçants dont les boutiques ont été attaquées et dégradées sont à plaindre et à soutenir. Qu’il nous soit permis d’avoir une pensée particulière pour les marchands de journaux. Sept kiosques ont été incendiés, dont cinq totalement détruits, samedi dernier, sur les Champs-Elysées et dans les rues adjacentes. Quinze autres ont été saccagés à Paris. C’est insupportable. D’abord pour eux, qui travaillent dur, dans des conditions difficiles et pour une rémunération en général modeste. Ensuite pour nous tous : dans ces petites maisons que sont les kiosques réside en partie notre liberté. Le Point est de tout coeur avec eux et, avec d’autres journaux, leur apportera évidemment une aide financière.