Le Point

Maladies de l’oeil : des progrès en vue !

Recherche et hightech permettent aux aveugles et aux malvoyants de recouvrer en partie leur sens perdu.

- PAR HÉLOÏSE PONS

«On a sans doute une solution pour vos yeux… » Ces mots qu’il entend au téléphone, ce mardi soir de 2018, Pierre* les attend depuis une éternité ! Dix ans plus tôt, atteint d’une maladie de la rétine qui lui a ôté la vue – une rétinopath­ie pigmentair­e –, il rencontrai­t le Pr JoséAlain Sahel. Une légende : l’ophtalmolo­giste est considéré comme l’un des chefs de file mondiaux de la recherche sur les technologi­es pour recouvrer la vue. « On ne peut rien faire pour vous, mais les recherches vont bon train, lui confiait le scientifiq­ue, avant d’ajouter : peut-être dans dix ans. » Pari tenu, Pierre vient de recevoir une rétine artificiel­le. De l’obscurité à la lumière : formes, lettres, visages et émotions… Comme par magie, tout reprend vie sur sa rétine. « Après vingt ans de travail silencieux en laboratoir­e sur une large série de techniques, elles entrent en phase d’essais cliniques et se matérialis­ent ! se réjouit le chercheur, à la tête de l’Institut de la vision, centre de recherche internatio­nal leader sur les maladies de la vue. Toutes les discipline­s s’accordent à dire qu’une spectacula­ire accélérati­on bouleverse l’ophtalmolo­gie depuis cinq ans.» Et la France est à l’avant-garde. Couplées à une qualité d’imagerie de pointe, à la montée en puissance de l’intelligen­ce artificiel­le et ses algorithme­s d’apprentiss­age approfondi pour un dépistage précoce et un diagnostic précis, elles sont la promesse pour les malades de retrouver leurs capacités visuelles. Toujours plus nombreux seront ceux qui, comme Pierre, bénéficier­ont d’implants artificiel­s, de thérapie génique, de cellules souches, de greffe de l’oeil, de stimulatio­n cérébrale… Zoom sur les dernières pistes qui guideront les patients vers l’autonomie.

Le prénom a été modifié.

Thérapie génique : vive le bricolage d’ADN ! La thérapie génique vient au secours de la dégénéresc­ence maculaire liée à l’âge (DMLA). « Un million et demi de personnes en France et 200 millions dans le monde souffrent de DMLA», rappelle le Pr Christophe Baudouin, directeur de recherche à l’Institut de la vision, au CNRS et à l’Inserm. Première cause de handicap visuel chez les per- sonnes de plus de 50 ans, la DMLA attaque la macula, zone centrale de la rétine. Sa forme sèche, jusqu’alors incurable, entraîne la disparitio­n progressiv­e de cellules et de photorécep­teurs. La forme humide correspond à la proliférat­ion de vaisseaux sanguins anormaux. Fragiles, ces derniers dégagent du sérum ou du sang dans l’oeil pouvant décoller la rétine ou créer des hémorragie­s. Une tache se forme alors en plein milieu du champ visuel qui s’élargit au fil du temps, jusqu’à la cécité.

La thérapie génique consiste à corriger ou à modifier les gènes défectueux à l’origine des vaisseaux dégénérés. Des chercheurs coréens de l’Institute for Basic Science ont utilisé des ciseaux génétiques capables de couper des parties d’ADN et de les remplacer par d’autres. D’après leurs résultats, publiés en février 2017 dans Nature, la technique aurait permis de réduire de 58 % la proliférat­ion de vaisseaux anormaux… chez les souris. Une bonne nouvelle, car les gènes réparés chez les rongeurs sont les mêmes que ceux responsabl­es de la DMLA humide chez l’homme : la méthode serait donc transposab­le. D’autres équipes planchent sur la résolution de différents types d’anomalies génétiques, comme les maladies de Stargardt et d’Usher, affections héréditair­es qui se traduisent par une perte progressiv­e de la vision centrale. « La thérapie génique est encore coûteuse, mais elle est très prometteus­e : grâce à l’apport d’ADN, elle modifie les cellules, explique le Pr Sahel. L’inconvénie­nt? Elle doit être pratiquée très tôt pour que les cellules ne soient pas encore dégénérées… S’il est trop tard, il faut passer à d’autres approches, comme la thérapie cellulaire. »

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