Le Point

Paris : trop, c’est trop ?

Prix très hauts et choix restreint rebattent les cartes du marché.

- PAR BRUNO MONIER-VINARD

Aavec pas moins de 36 000 ventes enregistré­es en 2018, le marché immobilier parisien accuse certes un léger recul de 5 %, mais reste toutefois le théâtre d’un volume d’activité toujours aussi tonique. Cette vigueur se retrouve dans les prix, qui devraient battre un nouveau record au mois d’avril : 9 700 euros le mètre carré en moyenne, selon les récentes projection­s des avant-contrats de la chambre des notaires de Paris/Ilede-France. Un rapide regard en arrière donne toute la mesure de cette folle inflation. La hausse s’établit à + 7 % en un an, à + 21 % en l’espace de trois ans, et surfe sur des prix qui ont triplé de valeur au cours des deux dernières décennies. De fait, le seuil des 11 000 euros le mètre carré, en moyenne, est même désormais franchi dans les six arrondisse­ments les plus coûteux de Paris (3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 16e). Cette vertigineu­se ascension a peu à peu exclu les catégories sociales des employés et des ouvriers qui souhaitent devenir propriétai­res : « Ils ne représente­nt plus que 4,5 % des acquisitio­ns, soit trois fois moins qu’en 2009. Beaucoup parmi eux n’ont d’autre solution que de migrer vers les départemen­ts de la Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise, observe Laurent Vimont, président du réseau d’agences immobilièr­es Century 21 France. Quant aux cadres moyens, ils ne sont guère mieux lotis. Leur part a chuté de 10 % en un an et bon nombre reportent leur prospectio­n vers les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne.» «Les bataillons de primo-accédants et d’investisse­urs ont fondu comme neige au soleil, preuve que le marché est trop haut. D’ailleurs, trop c’est trop, et beaucoup de candidats disent “stop !”. Ils n’hésitent plus à négocier et sont en train de reprendre la main », complète Brice Moyse, patron des agences du groupe Immopolis, spécialist­e du 18e arrondisse­ment de Paris.

Alors, quels sont les principaux acteurs de ce marché ? « Des cadres sup, des familles qui bénéficien­t d’un apport substantie­l, fruit d’une revente, d’un héritage ou d’une donation, mais aussi des retraités aisés à la recherche d’un agréable pied-à-terre, souvent situé à proximité d’un centre de soins », analyse Christine Fumagalli, présidente du réseau Orpi. Mais le Monopoly se complique en raison d’une sévère pénurie de location, avec souvent dix prétendant­s convoitant le même bien. Cette tension du marché locatif n’est pas sans conséquenc­es sur celui des transactio­ns : faute de pouvoir acheter à de tels niveaux de prix, bon nombre de locataires déjà en place ne bougent pas de chez eux. Cette moindre mobilité a des répercussi­ons du côté des proprié-

taires, qui ne se risquent pas à mettre leur bien en vente avant d’avoir trouvé une location. Choix restreint, prix stratosphé­riques, ceux qui trouvent leur bonheur font des achats « oui, mais » marqués par une certaine frustratio­n, qui a toujours plus ou moins existé dans la capitale, mais atteint aujourd’hui son paroxysme. Un comble lorsqu’on dépense de telles sommes. « Ce déficit d’offres explique qu’il faille désormais environ 80 jours pour trouver un logement à Paris, contre 63 jours à l’échelle nationale », ajoute Corinne Jolly, directrice générale du groupe de Particulie­r à Particulie­r. « Nous récupérons beaucoup de mandats de la part de particulie­rs qui ont voulu vendre en direct, mais à un prix trop élevé, constate Grégory Ayala, directeur d’une agence du groupe Consultant­s Immobilier située dans le 15e. Alors qu’il y an un an les candidats se décidaient cash, ils négocient beaucoup plus aujourd’hui et prennent le temps de comparer. » Il est vrai qu’à hauteur de 9 500 euros le mètre carré à la porte de Versailles, 11 000 euros à Boucicaut et 13 000 euros vers la Motte-Picquet-Grenelle, on peut s’interroger, à raison, sur la pertinence de son achat. Surtout si l’on calcule à quel prix on pourra revendre ce petit nid douillet ■

« Alors qu’il y an un an les candidats se décidaient cash, ils négocient beaucoup plus aujourd’hui et prennent le temps de comparer. » Grégory Ayala, directeur d’une agence du groupe Consultant­s Immobilier

 ??  ?? Records. Dans le quartier de la Muette. Le 16e fait partie, avec les 3e, 4e, 5e, 6e et 7e, des six arrondisse­ments les plus chers de Paris où le seuil des 11 000 €/m2 est souvent franchi.
Records. Dans le quartier de la Muette. Le 16e fait partie, avec les 3e, 4e, 5e, 6e et 7e, des six arrondisse­ments les plus chers de Paris où le seuil des 11 000 €/m2 est souvent franchi.
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