Paris-Londres, l’autre match immobilier du Brexit
La Ville lumière tire profit de l’arrivée des expatriés français désireux de quitter le Royaume-Uni.
C’est parti ! Alors qu’en novembre 2018 un sondage du chasseur d’appartements Homelike Home indiquait « une hausse de 30 % des expatriés français voulant quitter le Royaume-Uni depuis le vote pour le Brexit [en juin 2016, NDLR] », la réalité du terrain parisien ne traduisait pas encore vraiment ce souhait. Or, en ce début d’année, les choses semblent en train de changer, au dire des principaux acteurs du marché haut de gamme. « Au cours des trois derniers mois, le nombre d’annonces immobilières sur la capitale consultées depuis le Royaume-Uni a augmenté de 75 % », souligne une étude du portail d’offres Seloger.com. « Le Brexit et la fin de certains avantages du régime fiscal des non-domiciliés incitent de riches étrangers à aller chercher meilleure fortune ailleurs. Nous observons au sein de nos transactions une forte augmentation d’étrangers domiciliés fiscalement à Londres, savoure Nicolas Pettex-Muffat, directeur général du groupe Daniel Féau et de Belles Demeures de France. Face à la livre sterling, qui a baissé de 15 % depuis 2015, ils songent à allouer une partie de leur capital dans une place financière européenne, Francfort, Bruxelles, Genève. Acheter à Paris, ce n’est pas idiot, ce sont des actifs en euros, on s’en servira un jour ou l’autre, pour soi et/ou pour ses enfants!» Fini le long round d’observation. Après avoir jaugé le marché parisien et souvent visité quelques biens, beaucoup d’expatriés français de Londres se positionnent plus nettement, voire passent à l’action.
« Avec d’autres ressortissants européens de retour de la capitale britannique, ils forment un bataillon représentant désormais environ 10 % des achats effectués dans certaines de nos agences parisiennes et de Neuilly-sur-Seine », chiffre Thibault de Saint Vincent, président du groupe Barnes. « Ces “brexiteurs” disposent d’un budget substantiel, compris entre 2 et 5 millions d’euros. Ils cherchent le plus souvent à acheter dans l’Ouest parisien, près du périphérique, pour les départs en week-end, près des marchés de bouche et surtout des bonnes
écoles, détaille l’agence Paris Ouest Sotheby’s International Realty. Nous avons vendu 2 millions d’euros un loft de 180 mètres carrés dans le quartier Villiers (17e), avec de gros travaux à engager. » D’une manière générale, ce sont les secteurs bourgeois de la capitale (8e, 16e, 17e arrondissements, Neuilly, Boulogne, Levallois, etc.) qui sont ciblés. Le critère numéro un? La présence de bonnes écoles où souvent ces parents ont étudié : lycées Franklin et Janson-de-Sailly (16e), lycée Carnot, Ecole internationale bilingue (17e), lycée Pasteur, Ecole Notre-Dame-de-Sainte-Croix (Neuilly), sections internationales du Collège de Sèvres, etc. « Nous avons réalisé plusieurs acquisitions pour des familles arrivant de Londres. Ce sont principalement des appartements familiaux sur le 16e nord et sur la Rive gauche, avec des budgets compris entre 1,8 et 4 millions d’euros. Ce flux devrait s’intensifier cette année », note Laurent Demeure, président de Coldwell Banker
« Nous observons une forte augmentation d’étrangers domiciliés fiscalement à Londres. » Nicolas Pettex-Muffat, DG du groupe Daniel Féau et de Belles Demeures de France
France et Monaco. « Nous avons cédé, pour 990 000 €, un beau 4-pièces, situé rue Raynouard, à un jeune couple franco-allemand. Monsieur, qui travaillait dans le private equity à Soho, a passé une partie de son enfance à Passy. Bénéficier d’une école bilingue à proximité n’était pas important, car leur bébé a 6 mois, raconte Alison Ashby, directrice de Junot Fine Properties. Mais l’effet Brexit concerne aussi les Français expatriés à Hongkong, Singapour et Genève, car tout le secteur de la finance est impacté. » « Nous accompagnons deux familles françaises qui rentrent de Londres. L’une d’elle, qui loue un appartement dans le 16e, attend de trouver chaussure à son pied. L’autre couple, qui réside encore dans la capitale britannique, recherche un bien à Paris, qu’il compte acheter, puis louer jusqu’à son retour programmé dans un an », commente Vanessa Lovera, du groupe Consultants Immobilier. « Paris, c’est le nouveau Londres, sauf qu’il y a trois fois plus de choix qu’à Mayfair, Kensington ou Knightsbridge. Et les candidats n’hésitent pas à pousser leur prospection jusqu’à Neuillysur-Seine, commune huppée dotée d’établissements scolaires réputés », ajoute Olivia Pottier, directrice de l’agence Emile Garcin de Neuilly. Tous veulent « sauver les meubles » pendant qu’il en est encore temps car, selon toute vraisemblance, les prix immobiliers londoniens devraient continuer de baisser
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