Orban, Trump et les vers de farine
Le soutien fracassant de Nicolas Sarkozy à son « ami » Viktor Orban, bête noire des libéraux, le week-end dernier, nous prouve une nouvelle fois, s’il en était besoin, que la question des migrants est devenue centrale en Europe. C’est la nouvelle ligne de fracture.
Après que la gauche européenne a diabolisé le Premier ministre hongrois, la droite a quasiment rompu avec lui. Mais était-ce bien utile ? Au sein de l’Union, Orban incarne jusqu’à la caricature les petits pays qui ont plus peur encore que les grands de perdre leur fragile identité culturelle dans le maelström migratoire.
Plaidant pour un «compromis», Sarkozy aurait aimé que la droite tolérât l’extrême nationalisme d’Orban alors que les élections européennes devraient se jouer autour de cette interrogation lancinante : notre Vieux Continent, fatigué et peu fécond, peut-il continuer à accueillir indéfiniment les réfugiés climatiques, politiques, de guerre, qui convergent vers ses frontières ?
Moralement, économiquement, la réponse est oui, sans hésiter. Politiquement, l’immigration contribuant à la montée des populo-populismes, c’est plus compliqué. Ecologiquement, ça l’est encore davantage : les humains ne peuvent plus continuer à se reproduire comme des garennes, en s’entassant dans des villes-mondes. Un sujet si tabou que la plupart des mouvements écologistes ont mis un mouchoir dessus.
La démographie relève de la sismologie et de la tectonique des plaques. Des changements importants sont à prévoir dans les prochaines décennies qui affaibliront toujours plus notre pauvre Occident au profit, surtout, de l’Afrique et de l’Inde. Un suicide démographique menace l’Europe : en 2050, elle devrait stagner à 500 millions de personnes, tout en continuant à attirer des millions de migrants climatiques d’Afrique, continent passé en trentecinq ans d’environ 1 milliard à 2,478 milliards d’habitants.
Selon les dernières prévisions, toujours hypothétiques, de l’Onu, nous autres humains devrions être 8,5 milliards en 2030 (1 milliard de plus qu’aujourd’hui), 9,8 milliards en 2050 et, enfin, 11,2 milliards en 2100. Largement dix fois plus qu’au début du XXe siècle. Comment espérer sauver la planète si elle continue de s’adonner aux folies démographiques du genre humain ? Si la Terre est en danger, c’est pour plusieurs raisons, dont la moindre n’est pas la prolifération de l’espèce humaine, au détriment de toutes les autres, animales ou végétales. Depuis plusieurs siècles, portés par notre développement, nous n’avons cessé de tout mettre à sac pour chauffer, alimenter, loger, transporter, distraire des populations humaines de plus en plus considérables.
Le grand ethnologue (et prophète) Claude Lévi-Strauss avait tout dit là-dessus, à la fin du siècle dernier, quand il décrivait une humanité en proie à l’explosion démographique, qui commence « à se haïr elle-même parce qu’une prescience secrète l’avertit qu’elle devient trop nombreuse ». Nous voici désormais, annonçait-il, comme « ces vers de farine qui s’empoisonnent à distance dans le sac qui les enferme bien avant que la nourriture ne commence à leur manquer ».
Telle est la loi de la nature : quand les perchessoleil sont trop nombreuses dans un étang, elles rapetissent et dégénèrent. Toutes les espèces animales ou végétales ont besoin d’un « espace vital ». Force est de constater que le nôtre se réduit à grande vitesse, au rythme de notre pullulation.
eAu XIX siècle, Thomas Malthus, économiste et prêtre anglican, prônait la limitation des naissances pour lutter contre la misère. Jusqu’à présent, ses théories ont toujours été démenties par les faits : la population mondiale a considérablement augmenté, alors que la malnutrition et l’extrême pauvreté ont au contraire régressé à un rythme impressionnant. Mais la planète n’est pas extensible. Après avoir eu tort si longtemps, finira-t-il par avoir raison ?
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P.-S. Encore un fiasco journalistique. Après avoir feuilletoné pendant près de deux ans sur l’« enquête russe » censée montrer la collusion entre Trump et les Russes lors la campagne présidentielle de 2016, voilà les médias américains sacrément déstabilisés par le rapport du procureur spécial Mueller, qui blanchit quasiment le 45e président des Etats-Unis. Même si le magistrat ne l’exonère pas de tout, notamment des fraudes fiscales ou des entraves à la justice, il ridiculise la doxa médiatique qui présentait Trump comme une marionnette aux mains de Poutine. Le réflexe du New York Times, qui menait la guerre anti-Trump : il a donné l’information sur les six colonnes de sa une. Une belle leçon de journalisme, à méditer chez nous.