Le Point

Le monde selon « Gontran »

On loue ou on moque sa « fraîcheur », mais François-Xavier Bellamy est engagé en politique depuis longtemps.

- PAR ÉMILIE LANEZ

C’est un modeste site Web dont le nom ressemble au cri de ralliement des scouts dans la collection « Signe de piste ». Unis pour servir est une associatio­n fondée à l’été 2018 par François-Xavier Bellamy, 33 ans. Le maire adjoint de Versailles désire alors entretenir la flamme de sa campagne législativ­e, ne pas laisser s’éparpiller les bénévoles, car cette bataille – perdue – pour la députation dans les Yvelines, il l’a « terribleme­nt aimée ». Meetings, marchés, tracts, ces salles qu’il lui faut convaincre, Bellamy adore, et son aveu étonne. D’abord parce que l’échec de juin 2017 fut une claque. La première pour ce trentenair­e ayant réussi du premier coup le concours de Normale sup et l’agrégation de philosophi­e – un miracle que cette agreg, tant l’étudiant, titulaire d’une maîtrise d’éthique, consacra son temps non pas à bûcher, mais à veiller sur son lit de mort un de ses jeunes scouts atteint d’un cancer. Une claque, donc, parce qu’un candidat de droite perdant, à 800 voix près, la 1re circonscri­ption des Yvelines, c’est du jamais-vu. Or cette défaite ne l’a point dégoûté. Six mois plus tard, le prof de philo replonge en politique, propulsé tête de liste LR pour les européenne­s, figure de proue d’un trio imposé par Laurent Wauquiez. Moqué par les sarkozyste­s, mal aimé des centristes, le candidat grappille quelques pourcentag­es d’intentions de vote. Son site estival, Unis pour servir, se borne désormais à recenser ses interventi­ons médiatique­s. « Fix », pour ses copains, « Gontran », pour ses intimes, est un authentiqu­e. Ce qui lui donne sa force et son étrangeté lunaire. Un homme qui croit à ce qu’il dit, même si ce n’est pas moderne, même si c’est médiatique­ment dangereux. L’IVG ? Il y est opposé, « une conviction personnell­e que j’assume ». La PMA ? « Dernière frontière avant le transhuman­isme.» Le mariage homosexuel ? « La famille est composée d’un homme et d’une femme, sur qui repose la réalité naturelle de l’engendreme­nt.» Dans son deuxième ouvrage, « Demeure » (Grasset), Bellamy a rédigé une démolition radicale du « progressis­me » cher à Emmanuel Macron, cette obsession stérile du mouvement, cette religion vide de l’avenir.

Désir d’être aimé. S’il sillonne le pays, le philosophe continue de donner ses cours à l’Ecole normale catholique, où il prépare les khâgneux au concours de l’ENS. Un prof dont les élèves louent la clarté pédagogiqu­e et l’entrain, et dont ils plaisanten­t le désir manifeste d’être aimé. C’est le seul maître qui leur apporte des chouquette­s tièdes afin d’adoucir des copies notées sec. François-Xavier Bellamy entend poursuivre sa saison 6 de conférence­s données bénévoleme­nt deux fois par mois au Théâtre Saint-Georges. Lors de ces lundis de philo, on prend les travées d’assaut pour l’écouter disserter. Propos limpides, plan rigoureux, le dispensate­ur de savoirs excelle dans l’exercice, lancé en 2013. Le lendemain des européenne­s, le lundi 27 mai, s’y tiendra-t-il ? Deux thèmes, inscrits au calendrier, n’ont pas été abordés cette année : « Que gagne-t-on à perdre son temps ? » et « A quoi sert un ami ? ». Gageons que la campagne LR lui en aura beaucoup appris sur ces sujets

Il apporte à ses élèves des chouquette­s tièdes afin d’adoucir des copies notées sec.

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