Le Point

Argent public : comment économiser 25 milliards d’euros

Un rapport de Webhelp et Altermind préconise d’externalis­er beaucoup plus les services publics.

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARC VIGNAUD

Alors que le gouverneme­nt vient de présenter sa réforme de la fonction publique, Olivier Duha, fondateur et coprésiden­t de Webhelp, une société spécialisé­e dans l’expérience client ou la gestion des paiements, explique comment transforme­r vraiment l’Etat.

Le Point: Pour vous, la fourniture des services publics est inefficace en France. A quoi le voyez-vous? Olivier Duha :

Nous montrons qu’il n’y a pas de corrélatio­n entre le niveau des dépenses publiques d’un Etat et la qualité de ses services publics. La France est de loin le pays qui a la dépense la plus élevée en pourcentag­e du PIB, et pourtant cela ne se voit pas dans le service rendu en termes de protection, d’éducation ou de santé. La seule étude sérieuse sur la qualité des services publics, celle de la Banque mondiale, place la France en queue de liste, proche de l’Italie, du Portugal et de la Grèce, loin derrière les pays scandinave­s ou les PaysBas. Pourtant, la masse salariale publique pèse 13 % du PIB, contre 8 % en Allemagne et 10 % en moyenne en Europe. Nous avons 88 fonctionna­ires pour 1000 habitants, alors que la moyenne européenne est à 68. En revanche, les consommati­ons intermédia­ires des administra­tions, qui permettent d’estimer l’ampleur de l’externalis­ation des activités au privé, sont limitées à 28 %, contre 45 % dans les pays qui sont allés le plus loin dans ce domaine.

Vous proposez de faire gérer des services publics par le privé. Combien d’économies espérez-vous?

Olivier Duha Fondateur et coprésiden­t de Webhelp

Il faut distinguer les fonctions de coeur de métier de l’administra­tion et les fonctions supports. Ces dernières, qui regroupent par exemple la restaurati­on collective, la sécurité et le nettoyage des bâtiments, la gestion des réseaux informatiq­ues, pourraient être externalis­ées. De même que d’autres fonctions à faible valeur ajoutée. Par exemple, pour la délivrance de visas, de nombreuses tâches ont déjà été externalis­ées. Aujourd’hui, seulement 30 % du nettoyage et 40% de la restaurati­on collective sont sous-traités. Si on atteignait le même taux d’externalis­ation que les pays les plus volontaire­s, on pourrait économiser 25 milliards d’euros. Cette différence tient au fait que le secteur public n’est jamais mis en concurrenc­e. Il n’a aucune raison d’optimiser ses processus. Dès les années 2000, le ministère de la Défense a par exemple engagé une politique d’externalis­ation quasi systématiq­ue. D’abord les fonctions supports, puis les tâches très proches de son métier, comme la maintenanc­e et la gestion du matériel. La puissance publique devrait systématiq­uement se demander quelles sont les tâches qu’elle doit assumer directemen­t et celles qu’elle peut déléguer au privé.

La Chambre des communes britanniqu­e a publié un rapport qui critique les ratés de l’externalis­ation en Angleterre…

Les Anglais sont sans doute allés trop vite et trop fort, et n’ont pas porté assez d’attention à la qualité du service rendu. Il y a eu un manque de transparen­ce et de suivi préjudicia­ble dans quelques cas. L’externalis­ation n’est pas magique. Il faut savoir bien l’encadrer. Cela passe par des appels d’offres pour une sélection rigoureuse des partenaire­s privés.

Vous prenez l’exemple de l’externalis­ation des relations avec les usagers – c’est justement le domaine d’interventi­on de Webhelp. N’êtesvous pas en conflit d’intérêts?

Le sujet, c’est l’externalis­ation au sens large et pas celui du seul domaine des relations avec les usagers. Par ailleurs, si de grandes sociétés françaises pouvaient, au passage, bénéficier de ce processus de la commande publique comme beaucoup de nos concurrent­s, je trouverais ça bien.

Qu’est-ce qui bloque ce processus?

Il y a d’abord une raison culturelle. La séparation étanche entre le public et le privé, c’est très français. Les particular­ités du statut de fonctionna­ire compliquen­t encore les choses. On se retrouvera­it avec des centaines de milliers d’agents inoccupés. Il faudrait mettre en oeuvre des plans de départs volontaire­s. Mais l’entreprise privée pourrait alors s’engager à récupérer le personnel sur la base du volontaria­t et avec des compensati­ons. La réforme du gouverneme­nt ne fait qu’améliorer les choses à la marge. Nous estimons possible de transférer 1,3 million de fonctionna­ires vers le privé si on va aussi loin dans l’externalis­ation que les pays les plus avancés dans ce domaine

« Nous estimons possible le transfert de 1,3 million de fonctionna­ires vers le privé. »

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