Avec les recrues de la génération Sentinelle
Après les attentats de 2015, il a fallu former d’urgence de nouveaux effectifs. En assouplissant la sélection. Reportage au camp du Valdahon.
La barrière se lève, ils sont enfin arrivés. Les lourds camions camouflés entrent dans le Centre de formation initiale des militaires du rang (CFIM) du Valdahon, dans le Doubs. Quarante engagés volontaires aux cheveux fraîchement rasés en débarquent. Pour eux, l’armée commence ici. Intimidés, ils dirigent leur regard vers les longues allées du camp où ils vont faire leurs classes pendant trois mois.
Leur arrivée passe presque inaperçue dans cette usine à soldats qui tourne à plein régime. La plupart d’entre eux se destinent au 16e bataillon de chasseurs à pied. Onze officiers et sous-officiers de cette unité, reconnaissables à leur béret noir, ont pour tâche de transformer ces « civils en uniforme » en soldats. Loin d’être formateurs de métier, ils mènent cette mission sous la surveillance des militaires basés à l’année au CFIM. Véritables gardiens du temple, ces formateurs permanents doivent s’assurer que les instructeurs de passage adoptent les bonnes méthodes. « Certains peuvent être trop rudes et trop exigeants. On ne forme pas des guerriers, mais des soldats. On doit leur rappeler qu’ils ont affaire à des civils. Ils doivent être comme des grands frères », explique le capitaine Florent, un officier permanent du CFIM, en les regardant replacer les engagés qui s’essaient au garde-à-vous. L’acné sur certains visages témoigne d’une adolescence pas si lointaine. Parmi eux, Théo semble perdu, l’éclat de son treillis flambant neuf trahissant son statut de « bleusaille ».
Théo fait partie de cette nouvelle vague appelée avec sarcasme la « génération Sentinelle ». Au lendemain des attentats de 2015, 10 000 soldats ont été déployés sur le territoire pour cette opération de surveillance et de dissuasion. Pour faire face, l’armée de terre a dû recruter massivement. Quand 6 000 soldats étaient incorporés en 2014, ce sont 12 150 hommes qui l’ont rejointe en 2015, avant un pic à 15 700 l’année suivante. Depuis, l’institution fonctionne à flux tendu en termes d’effectifs et la sélection est devenue quasi nulle, sauf inaptitude physique ou psychologique. Un constat posé dans un document interne : « La ressource en hommes s’épuise, l’armée n’a pas le choix du recruté. »
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