Le Point

Quinze minutes avec Eva Green

Merveilleu­se en vénéneuse, l’actrice donne le vertige en trapéziste dans le « Dumbo » de Tim Burton.

- PAR MATHILDE CESBRON ET CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

«Je vais éteindre la lumière, je suis un peu vampire », prévient-elle. On serait tenté de la prendre au sérieux lorsqu’elle s’assoit face à vous, charmante Dracula en pantalon, chemise et veste noire, brodée de fleurs également noires, signée de la reine du minimalism­e belge Ann Demeulemee­ster. Noire de la tête aux boots, une vanité au doigt, du crayon charbonneu­x autour des yeux, le teint pâle et les cheveux ramenés en une natte broussaill­euse, Eva Green, 38 ans, travaille son image de femme sensuellem­ent toxique, tout en vous lançant, joueuse : « Oh, vous savez, on a tellement tendance à enfermer les gens dans des boîtes… »

La fille de Marlène Jobert et d’un dentiste franco-suédois cultive les rôles ténébreux, d’Isabelle, l’adolescent­e un peu incestueus­e des « Innocents » de Bertolucci, à Vesper Lynd, la James Bond girl vénéneuse de « Casino Royale », en passant par la sorcière malgré elle Vanessa Ives, que même le diable courtisait dans la superbe série « Penny Dreadful ». Elle ne sera pas dans la prochaine saison : « C’était un beau rôle très intense, mais je ne pense pas que j’aurais pu continuer. Plus, on va à l’asile. »

Eva Green est surtout la nouvelle muse de Tim Burton, avec lequel elle vient de tourner son troisième film. Après « Dark Shadows » et « Miss Pere- grine », la voici dans l’adaptation, avec des acteurs en chair et en os, du dessin animé de Walt Disney « Dumbo » (1941). Elle y campe la scintillan­te (et un peu inquiétant­e, pourquoi se priver ?) Colette Marchant, trapéziste française toute de plumes et de paillettes, qui fera voler Dumbo, le triste éléphantea­u aux grandes oreilles, lors d’un numéro vertigineu­x pour lequel l’actrice a dû vaincre sa peur du vide en prenant des cours avec des « aérialiste­s », ces artistes de cirque prêts à tout dans les airs. « Dans le milieu, ce sont un peu des Jésus-Christ : ils aiment souffrir. » Pas son genre. Avec Burton, elle trouve un plateau « joyeux, facile ». Elle adhère au grand thème du cinéaste, celui « du marginal mal-aimé qui va finir par épouser son étrangeté ». Comme elle ? « C’est un regard qu’on porte souvent sur moi. » Ah oui ? « Mais il y a plusieurs nuances de noir, et je ne suis pas attirée par la mort », assure celle qui fut l’égérie d’un parfum baptisé… « Midnight Poison ».

« Beauté indécente ». Eva Green ne fendra pas l’armure. Des réalisateu­rs elle dit que les bons sont toujours manipulate­urs. Bertolucci, qui a souligné sa « beauté indécente » ? « J’avais 23 ans et j’appréhenda­is les scènes de nu, mais il n’y a pas eu de rapports de force. Je déteste la tension, et il a été vraiment protecteur. Manipulate­ur, mais gentil manipulate­ur. » Celui à qui elle a dit non, c’est Lars von Trier, pour « Antichrist ». « Nous n’étions pas d’accord et il n’aime pas les gens qui ne sont pas d’accord. » Avant de terminer l’entretien, elle évoque son prochain film, « Proxima », avec Matt Dillon, d’Alice Winocour, qui la ravit. Elle y jouera une mère de famille qui devient astronaute. Après les joies du crépuscule, le temps des étoiles ?

« Dumbo », en salles.

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Fille de l’air.Eva Green incarne Colette Marchant, une trapéziste française qui fait voler Dumbo sous le chapiteau.

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