Quinze minutes avec Eva Green
Merveilleuse en vénéneuse, l’actrice donne le vertige en trapéziste dans le « Dumbo » de Tim Burton.
«Je vais éteindre la lumière, je suis un peu vampire », prévient-elle. On serait tenté de la prendre au sérieux lorsqu’elle s’assoit face à vous, charmante Dracula en pantalon, chemise et veste noire, brodée de fleurs également noires, signée de la reine du minimalisme belge Ann Demeulemeester. Noire de la tête aux boots, une vanité au doigt, du crayon charbonneux autour des yeux, le teint pâle et les cheveux ramenés en une natte broussailleuse, Eva Green, 38 ans, travaille son image de femme sensuellement toxique, tout en vous lançant, joueuse : « Oh, vous savez, on a tellement tendance à enfermer les gens dans des boîtes… »
La fille de Marlène Jobert et d’un dentiste franco-suédois cultive les rôles ténébreux, d’Isabelle, l’adolescente un peu incestueuse des « Innocents » de Bertolucci, à Vesper Lynd, la James Bond girl vénéneuse de « Casino Royale », en passant par la sorcière malgré elle Vanessa Ives, que même le diable courtisait dans la superbe série « Penny Dreadful ». Elle ne sera pas dans la prochaine saison : « C’était un beau rôle très intense, mais je ne pense pas que j’aurais pu continuer. Plus, on va à l’asile. »
Eva Green est surtout la nouvelle muse de Tim Burton, avec lequel elle vient de tourner son troisième film. Après « Dark Shadows » et « Miss Pere- grine », la voici dans l’adaptation, avec des acteurs en chair et en os, du dessin animé de Walt Disney « Dumbo » (1941). Elle y campe la scintillante (et un peu inquiétante, pourquoi se priver ?) Colette Marchant, trapéziste française toute de plumes et de paillettes, qui fera voler Dumbo, le triste éléphanteau aux grandes oreilles, lors d’un numéro vertigineux pour lequel l’actrice a dû vaincre sa peur du vide en prenant des cours avec des « aérialistes », ces artistes de cirque prêts à tout dans les airs. « Dans le milieu, ce sont un peu des Jésus-Christ : ils aiment souffrir. » Pas son genre. Avec Burton, elle trouve un plateau « joyeux, facile ». Elle adhère au grand thème du cinéaste, celui « du marginal mal-aimé qui va finir par épouser son étrangeté ». Comme elle ? « C’est un regard qu’on porte souvent sur moi. » Ah oui ? « Mais il y a plusieurs nuances de noir, et je ne suis pas attirée par la mort », assure celle qui fut l’égérie d’un parfum baptisé… « Midnight Poison ».
« Beauté indécente ». Eva Green ne fendra pas l’armure. Des réalisateurs elle dit que les bons sont toujours manipulateurs. Bertolucci, qui a souligné sa « beauté indécente » ? « J’avais 23 ans et j’appréhendais les scènes de nu, mais il n’y a pas eu de rapports de force. Je déteste la tension, et il a été vraiment protecteur. Manipulateur, mais gentil manipulateur. » Celui à qui elle a dit non, c’est Lars von Trier, pour « Antichrist ». « Nous n’étions pas d’accord et il n’aime pas les gens qui ne sont pas d’accord. » Avant de terminer l’entretien, elle évoque son prochain film, « Proxima », avec Matt Dillon, d’Alice Winocour, qui la ravit. Elle y jouera une mère de famille qui devient astronaute. Après les joies du crépuscule, le temps des étoiles ?
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« Dumbo », en salles.