Quand Loustal croque Maigret
Il a décidé de rhabiller les textes de Georges Simenon. Le grand dessinateur Jacques de Loustal, illustrateur de l’édition anniversaire « Tout Maigret », nous a ouvert son atelier.
Que voit donc Loustal, là, maintenant ? Il nous parle, et ses yeux aussi. Il vient de nous confier sa faculté à se faire une idée précise d’un lieu sans y être allé, à vivre intensément une anecdote sans l’avoir vécue. « Je suis très visuel », confie-til dans le décor de son atelier aux baies vitrées. Prononcez donc un mot et cela lui évoquera instantanément quelque chose en images, toujours en images. D’habitude, on prête cette faculté aux enfants, et c’est d’ailleurs peut-être ce qui fait de Jacques de Loustal un des plus grands dessinateurs français. Il a son monde à lui, noir et coloré, silencieux et langoureux. N’est-ce pas la définition d’un artiste? D’où notre gêne au moment de le solliciter pour un autre que lui : Simenon. Pour les éditions Omnibus, l’homme à la chevelure grise, qui passerait pour un poète – mais ne l’est-il pas ? –, a dessiné les couvertures de dix enquêtes du commissaire Jules Maigret, préfacées par des simenoniens réputés (voir p. 108) que l’on vous annonce, sans risque, comme des collectors.
Au départ, la rencontre. Loustal ne nous entonnera pas le couplet du coup de foudre adolescent, des lectures sous la couette et des dîners snobés pour s’adonner à la lecture d’un Simenon – même si ses parents le lisaient. Son histoire est tout autre et prouve, s’il le fallait, que mille chemins mènent à l’auteur francophone le plus traduit à travers le monde. En l’occurrence, pour lui, architecte de formation, ce furent les canaux (« La maison du canal », « Le charretier de la Providence »…). D’abord au début des années 1980, pour les besoins d’un diplôme en architecture portant sur « Le paysage du canal », puis par simple passion, par une sorte de sentiment de fraternité développé à l’égard d’un romancier qui, par ses mots, (lui) dessine des univers familiers. A cette faveur Loustal, qui commença sa carrière en publiant des illustrations dans Rock & Folk, a redécouvert les atmosphères et les lieux chers à l’écrivain belge « pléiadisé ». « Je m’intéresse parfois plus aux ambiances qu’à l’histoire ellemême », relève le dessinateur, qui reconnaît avoir une prédilection pour les récits de voyages, pour ce qu’il appelle « les Simenon
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