Le Point

QUAND TRUFFAUT DÉZINGUAIT LE CINÉMA FRANÇAIS

- SOPHIE PUJAS

Chroniques. « Je ne vois pas comment on peut se retenir d’écrire que “Chiens perdus sans collier” fait reculer les bornes de l’insignifia­nce. » Voilà comment, en 1955, un jeune critique nommé François Truffaut assassine le film de Jean Delannoy. Lieu du crime ? L’une de ses chroniques de la revue Arts Spectacles, écrites entre 1954 et 1958, avant qu’il ne tourne son premier long-métrage. Une vaste sélection est publiée aujourd’hui, qui permet de savourer une plume au vitriol. Car ces textes cinglants lui valurent les qualificat­ifs d’« homme le plus haï de Paris », de « critique terroriste » ou de « fossoyeur du cinéma français ». Il éreinte à tout-va et fustige le manque d’ambition. Non sans mauvaise foi, souvent. Mais quel plaisir de le voir se livrer à sa verve vengeresse par amour de l’art ! Il polémique avec certains cinéastes, dont Claude Autant-Lara (« un boucher qui s’obstinerai­t à faire de la dentelle »). Les critiques? Incultes. Cannes? « Dominé par les combines, les fausses manoeuvres et les compromis. » Voir Truffaut critique comme un dézingueur fou et rien d’autre serait pourtant une erreur. Il célèbre Hitchcock, Renoir, Guitry, entre autres. Et, bien sûr, les acteurs (et surtout les actrices). Qu’ils se nomment James Dean, Kim Novak ou Marilyn Monroe, il martèle : « La plus haute mission du metteur en scène est de révéler les acteurs à euxmêmes. » Derrière le critique, l’auteur piaffe d’impatience

« Chroniques d’Arts Spectacles, 1954-1958 », de François Truffaut, textes réunis et présentés par Bernard Bastide (Gallimard, 528 p., 24 €).

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François Truffaut

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