Bravo la Chine !
On se jauge, on se mesure, on se fait des politesses tout en montrant ses muscles. Entre l’Occident angoissé et la Chine conquérante, l’air est chargé d’électricité. Mais, avant de commencer la bagarre, arrêtons-nous un peu, et savourons. En quarante ans, des centaines de millions de Chinois ont échappé à la grande pauvreté. L’espérance de vie a bondi, rattrapant peu à peu celle des pays riches. Qui se souvient de ce qu’était la vie dans les provinces reculées il y a encore vingt ans ? Il faut beaucoup d’indifférence – ou de mépris – pour ne pas se réjouir que cela ait autant changé.
Oscar Wilde disait que
« n’importe qui peut compatir aux souffrances d’un ami, mais seule une personne dotée d’une nature exceptionnelle est capable de se montrer sensible au succès d’un ami ». C’est sans doute vrai aussi à l’échelle des nations. Mais il y a plus. A écouter certains, aujourd’hui, on a le sentiment qu’ils préféreraient que la Chine soit demeurée dans la misère et le sousdéveloppement, pourvu qu’elle ne nous dérange pas. Plaindre les malheureux de ce monde, d’accord, les aider un peu, très bien, mais à condition qu’ils ne viennent pas nous concurrencer après… Songeons à toutes ces belles âmes pour qui arracher un Chinois au dénuement ne vaut visiblement pas l’abandon d’un avantage acquis chez nous… Le protectionnisme de caste et la compassion de posture vont de pair. Réjouissons-nous, donc, et admirons les Chinois pour cet exploit impressionnant. Et tirons-en, au passage, une petite leçon. Car cette renaissance historique, déclenchée par le tournant libéral de Deng Xiaoping en 1978, s’est accélérée considérablement au cours des années 1990, celles de la grande mondialisation. Un mouvement volontiers décrit par nos professeurs de vertu sociale comme un fléau planétaire, mais qui a en réalité provoqué la plus grande réduction de pauvreté dans l’histoire de l’humanité. Pas seulement en Chine, d’ailleurs. Selon la Banque mondiale, 736 millions de personnes vivaient dans l’extrême pauvreté (avec moins de 1,90 dollar par jour) en 2015, contre 1,9 milliard en 1990. Le mythe du grand méchant marché affameur des peuples en prend un coup…
Cela ne nous empêche en rien de défendre vigoureusement nos intérêts face à l’expansionnisme commercial et politique de l’empire du Milieu. Sans naïveté. Mais sans nous imaginer, pour autant, que l’Occident a un droit inaliénable à être plus riche que les autres. Ce qu’il n’a d’ailleurs pas toujours été