Le Point

Brexit, l’option Pompidou

Déterminé à pousser les Britanniqu­es dehors façon de Gaulle, Emmanuel Macron devrait plutôt se montrer pompidolie­n et leur tendre la main.

- Par Luc de Barochez

Le président Georges Pompidou percevait le danger lorsqu’il exhorta les Français à approuver par référendum, le 23 avril 1972, l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté économique européenne. « Le chemin que nous allons prendre est semé d’incertitud­es et de contradict­ions », les prévint-il. Ces aléas, selon lui, valaient la peine d’être affrontés. De fait, ils ont empoisonné pendant un demi-siècle les rapports de Londres avec ses partenaire­s européens, et ce n’est pas fini : trois ans après avoir majoritair­ement voté en faveur de leur sortie de l’Union européenne, les Britanniqu­es n’en ont toujours pas franchi le seuil. Ironie ahurissant­e pour un pays qui rêvait de « reprendre le contrôle » de son destin, ce sont les dirigeants des Vingt-Sept qui pourraient trancher, le 10 avril à Bruxelles, le sort du Royaume-Uni. Doivent-ils lui laisser la porte de l’Europe entrouvert­e ou la lui claquer au nez ?

Charles de Gaulle n’aurait pas hésité. En 1963 puis en 1967, il opposa par deux fois son veto à l’adhésion d’une Angleterre « insulaire » et « maritime ». Elle avait à ses yeux des intérêts fondamenta­ux qui la poussaient, quoi qu’elle en dise, à s’éloigner de la constructi­on européenne. « La nature, la structure, la conjonctur­e qui sont propres à l’Angleterre diffèrent profondéme­nt de celles des continenta­ux », expliqua-t-il. Celui qui lui succéda à l’Elysée exprima un avis opposé. « En accueillan­t [la Grande-Bretagne], nous donnerons à l’Europe sa véritable dimension, plaida Georges Pompidou. Nous accroîtron­s ses possibilit­és économique­s, politiques,

sociales. » En 1972, les Français donnèrent raison à Pompidou en approuvant à 68 % l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.

Leur lointain successeur, Emmanuel Macron, est confronté au même dilemme. Aider les Britanniqu­es à partir délesterai­t l’Union européenne d’un empêcheur de tourner en rond ; elle aurait alors l’occasion de se réformer en profondeur avant, peutêtre, que Londres ne frappe de nouveau à sa porte dans quelques années. Mais précipiter un divorce sans accord induirait le risque d’installer à moyen terme de l’autre côté de la Manche une économie très déréglemen­tée jouant du dumping fiscal et social. A l’inverse, sur le continent, ce serait donner libre cours à l’étatisme franco-allemand sans contrepoid­s libéral. Ce serait affirmer la position dominante de l’Allemagne en Europe, tout en privant la défense européenne des moyens britanniqu­es. Ce serait, enfin, jouer aux dés le sort des citoyens européens résidant en Grande-Bretagne, mais aussi celui des marins-pêcheurs français et de tous ceux qui vivent des échanges avec ce pays, le seul grand partenaire européen avec lequel nous dégageons un surplus commercial.

Pour l’instant, la France a bien géré sa barque dans l’improbable aventure du Brexit. Les buts stratégiqu­es qu’elle avait fixés au lendemain du référendum britanniqu­e de 2016 ont été en grande partie atteints. Les mensonges populistes ont été mis

Macron prétend que la France est « prête » pour un Brexit sans accord. C’est un pieux mensonge.

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Il fut condamné pour avoir lancé un dictionnai­re sur les forces de l’ordre.

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