UN « SCARFACE » COLOMBIEN
Cinéma. Début des années 1970. A Medellin, Pablo Escobar se lance dans le commerce de cocaïne. Mais au nord-est de la Colombie, sur la côte caribéenne, le trafic de marijuana fait également ses débuts. C’est cette « préhistoire » et l’âge d’or du narcotrafic, la bonanza marimbera, que racontent dans « Les oiseaux de passage » Ciro Guerra, déjà remarqué pour sa transe chamanique « L’étreinte du serpent » (2015), et sa femme, Cristina Gallego, qui coréalise le film.
Dans le désert de la Guajira balayé par les vents, près de la frontière vénézuélienne, la communauté indigène Wayuu vit du tissage de magnifiques costumes colorés. Rapayet doit rassembler chèvres, vaches et colliers pour épouser la jeune et mystérieuse Zaida (incroyable Natalia Reyes). Avec un ami, il se met à vendre de l’herbe aux gringos venus apprendre aux Colombiens à dire « non au communisme ». On suit de 1969 aux années 1980 la naissance et la croissance d’un empire dont les codes bousculent en permanence les coutumes en vigueur chez les Wayuu. En mêlant fiction anthropologique et film de gangsters, le couple de cinéastes revisite le genre et déroule un « Scarface » mâtiné de croyances, de visions cauchemardesques et d’oiseaux synonymes de mauvais présage. Peuplée de personnages pittoresques comme la matrone de fer (géniale Carmiña Martinez) et l’oncle messager, cette fresque familiale se décline en « chants », telle une tragédie grecque. Elle est portée par des acteurs fascinants et une photographie exceptionnelle. Une descente aux enfers délicieusement glaçante !
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« Les oiseaux de passage », en salles le 10 avril. Lire l’interview des réalisateurs sur lepoint.fr.