Libérez Macron !
A défaut de pouvoir calmer tous les mécontentements, le président serait bien avisé de s’attaquer enfin aux grandes anomalies dont souffre l’économie française.
I l y a sans doute au moins un point sur lequel tout le monde est aujourd’hui d’accord : l’Elysée et les gilets jaunes, Edouard Philippe et Eric Drouet, la gauche et la droite, les députés et les sénateurs, Le Monde et Le Figaro, mais aussi tous les Français, riches et pauvres, moins riches et moins pauvres : la sortie du grand débat va constituer un moment décisif pour la suite du quinquennat. C’est bien pour cette raison qu’il y a de quoi être particulièrement inquiet.
En choisissant d’abord de l’organiser puis d’en faire un événement considérable, « une expérience démocratique complètement inédite », selon ses propres mots, permettant de « redéfinir le projet national », Emmanuel Macron a lui-même créé d’énormes attentes. Avec bien sûr le risque que les décisions qui seront annoncées dans les prochaines semaines suscitent aussi d’énormes déceptions, incapables par définition de répondre à toutes les revendications, souvent contradictoires, des gilets jaunes.
On voit mal comment elles pourraient satisfaire «en même temps » ceux qui souhaitent plus de services publics et ceux qui désirent moins d’impôts, les citadins qui réclament moins de voitures dans les rues et les ruraux qui veulent moins de radars sur les routes. Comment elles pourraient « en même temps » plaire aux actifs et aux inactifs, aux jeunes et aux retraités, aux propriétaires et aux locataires, aux fonctionnaires et aux petits commerçants, aux agriculteurs et aux écologistes, aux Parisiens et aux Picards, à la CGT et au Medef, à ceux qui paient l’impôt sur le revenu et ceux qui ne le paient pas. On voit surtout mal comment des solutions collectives et globales pourraient être apportées à ce gigantesque agrégat de colères et de ressentiment individuels, aux causes innombrables, qui s’est exprimé à travers le mouvement des gilets jaunes. Même avec l’aide de son camarade marcheur et génie des maths Cédric Villani, on voit mal comment Emmanuel Macron pourrait être en mesure de résoudre cette monstrueuse équation comportant 67 millions de paramètres.
La certitude, c’est que les mesures qui seront annoncées n’ont absolument aucune chance de calmer la colère des 30 000 irréductibles, ultra-jaunes ou plutôt ultra-rouges, qui continuent de manifester chaque semaine dans les villes de France aux cris de « Macron démission », « Supprimons la dette » et « A mort le capitalisme ». Encore moins de mettre fin aux violences des Black blocs, qui croient être de grands révolutionnaires parce qu’ils détruisent des distributeurs de billets ou pillent des magasins de marques dont ils sont par ailleurs friands. La révolution n’est décidément plus ce qu’elle était.
De nombreux Français qui ont voté pour Emmanuel Macron redoutent que la sortie du grand débat conduise le gouvernement à réorienter complètement sa politique économique. L’incite par exemple à autoriser, pour répondre à l’exigence de justice fiscale des gilets jaunes, un matraquage en règle, à grands coups de taxes et d’impôts supplémentaires, des ménages « aisés » et de tirs sans sommation du Trésor public sur les « riches ». S’ils ont bien raison de s’inquiéter d’un tel virage « socialisant », ces électeurs macronistes ont en revanche tout à fait tort de craindre un changement de cap.
La sortie du grand débat offre une occasion à la fois unique et inespérée pour qu’Emmanuel Macron en finisse avec la politique finalement très hollandaise du « en même temps » qu’il conduit depuis près de deux ans, dans la recherche permanente d’un improbable équilibre, dans sa volonté de plaire à ses soutiens de droite sans déplaire à ses sympathisants de gauche. Se gardant toujours d’aller trop loin dans ses réformes structurelles pour ne surtout pas prendre le risque de se mettre à dos la supposée réformiste CFDT.
Elle offre une occasion unique et inespérée de s’attaquer enfin aux grandes anomalies qui caractérisent l’économie française, de faire sauter une bonne fois pour toutes le verrou des 35 heures, de repousser sans plus tergiverser et se tortiller l’âge de départ à la retraite à 65 ans ou de réduire massivement la dépense publique en commençant par diminuer le nombre de fonctionnaires et en déléguant au secteur privé toutes ces missions qui incombent encore à l’Etat mais qu’il effectue très mal. En un mot de faire prendre enfin à la France ce virage économique libéral que des pays comme l’Allemagne et la Suède ont pris depuis longtemps, ce qui leur apporte aujourd’hui excédents commerciaux et budgétaires, hausse du niveau de vie, croissance économique et paix sociale.
On objectera qu’un tel tournant libéral constituerait une véritable provocation et risquerait de mettre les Français dans la rue et le pays à feu et à sang : on peut en retour répondre à cette objection que c’est déjà le cas depuis cinq mois. Et que
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