Le Point

Arthur Rimbaud, maître d’hôtel

- Patrick Besson

Avant de me rendre à l’inaugurati­on de l’hôtel Rimbaud (6, rue Gustave-Goublier, Paris 10e), je croise Valérie Toranian dans la rue du Faubourg-Poissonniè­re, qui allait naguère des éditions Messidor au siège de L’Humanité. Après avoir dirigé Elle, Valérie pilote aujourd’hui la Revue des Deux Mondes, qui existait déjà au temps du poète. Nous nous étonnons de la queue devant Les Burgers de papa, presque aussi longue, j’en fais la remarque, que celle du Bouillon Pigalle (voir « Eloge de la queue » dans Le Point no 2419). Le temps me manque pour tester les hamburgers de papa. J’ai été critique de hamburgers dans trois numéros de Grand Seigneur, le trimestrie­l d’Olivier Malnuit, dépendance gourmande de Technikart.

Après Flaubert, Proust, Vialatte et Aymé, Jacques Letertre ouvre un cinquième hôtel littéraire. Nous déjeunons d’abord au 14 Paradis (≈≈), le restaurant ouvert par Cyril Lignac, cuisinier devenu célèbre dans une cantine scolaire, et désormais sous la houlette d’Hugo Pinto. Nous nous rendons ensuite chez Arthur, que j’eus vite fait d’appeler, pendant mon unique année en fac de lettres, « M. Arthur », lourde allusion à l’homosexual­ité sélective de l’auteur des « Illuminati­ons ». Un Verlaine, sinon rien.

Ou le Harar. Il y a là un certain nombre de rimbaldien­s, secte ombrageuse qu’il ne s’agirait pas d’offenser par une erreur de date ou une faute d’orthograph­e. Charles

Ficat, des éditions Bartillat, Fabrice

Gaignault, de Marie Claire, et Jean-Noël Jeanneney, de France Culture, sont de bonne compagnie. Notre petite troupe traverse à pied le 10e arrondisse­ment parisien sous un soleil timide. Etonnement et méfiance des commerçant­s turcs du quartier. Nous sommes trop nombreux et trop décontract­és pour être des policiers en civil, mais pourquoi pas la Répression des fraudes? Je discute avec Léa Triomphe, chargée des réseaux sociaux aux Editions des Saints-Pères. Celles-ci vendent 90 % de leur production – fac-similés de manuscrits cultes (« Madame Bovary », « Voyage au bout de la nuit », « The Great Gatsby », etc.) – sur Internet. Léa m’offre un splendide Rimbaud, dernière parution de la maison codirigée par Nicolas Tretiakow et Jessica Nelson. Les grands écrivains ont une belle écriture.

La rue Gustave-Goublier est courte comme un sonnet. L’hôtel compte 42 chambres. Ma préférée est la 52, au cinquième étage, appelée « Londres ». Il y a une baignoire dont le poète ne se serait pas servi et un beau ciel qu’il aurait peut-être regardé. A l’hôtel Rimbaud, il y a de quoi lire dans la bibliothèq­ue : 500 livres, tous d’Arthur ou sur lui. Quelques éditions rares sous cloche de verre. Le visage de Rimbaud adolescent à tous les étages. Après une carrière florissant­e de marchand d’armes, le voici hôtelier. Dans la chambre « Bateau ivre », a-t-on installé un water bed comme il y a en avait dans les films érotiques des années 1970 ?

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Le cinquième hôtel littéraire français.

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