Le Point

Comment la droite s’est radicalisé­e

Ce que révèle l’évolution des conservate­urs britanniqu­es.

- Par Laetitia Strauch-Bonart

Quel que soit le vainqueur de la bataille pour la direction du Parti conservate­ur britanniqu­e – Boris Johnson, probable gagnant, ou son rival, Jeremy Hunt –, la même vision du Brexit prévaudra à Downing Street. Car les finalistes ont proposé sur ce sujet le même programme, dont l’aspect le plus marquant est une résolution pour une sortie « sans accord » de l’Union européenne (UE) si elle refuse de reprendre les négociatio­ns. Dans les milieux conservate­urs brexiteurs, on est désormais convaincus que, pour obtenir les meilleures conditions de Bruxelles, il faut rendre un no deal – ou absence d’accord – crédible. A l’exception du député Rory Stewart, les autres prétendant­s à la direction du parti étaient peu ou prou sur cette même ligne.

Que s’est-il passé chez les torys, autrefois partisans de la modération, pour qu’ils embrassent une vision si radicale ? En trois ans, la position des conservate­urs favorables au Brexit a progressiv­ement glissé d’une diversité de points de vue vers la ligne la plus intransige­ante. Hier, ils se demandaien­t quelle serait la meilleure façon, en quittant l’UE, de maintenir avec elle des liens de bon voisinage. Aujourd’hui, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un compromis suscite leur courroux. Oublié la distinctio­n entre conservate­urs remainers (qui veulent que le RoyaumeUni

reste dans l’UE) et brexiteurs, et même entre brexiteurs durs et brexiteurs doux. Les durs ont pris peu à peu le contrôle du récit officiel du parti, qui veut qu’un doux soit désormais l’égal d’un remainer, donc un traître, ce qui est d’autant plus aberrant que les remainers, en 2016, y étaient majoritair­es.

Comment comprendre cet emballemen­t ? Le référendum de 2016, en posant une question trop large, n’a pas seulement ouvert la boîte de Pandore des mille et une façons de faire un Brexit, elle a fait croire à un processus simple, ce qui était impossible. D’où l’inévitable frustratio­n des brexiteurs, à commencer par les adhérents du Parti conservate­ur, qui ont depuis durci leur position. Theresa May a aussi commis une erreur quand, début 2017, elle a proclamé que mieux valait« une absence d’accord qu’un mauvais accord », excitant les espoirs des fondamenta­listes. Enfin, pour se rapprocher des Etats-Unis, les torys semblent prêts à tout, y compris à flatter outrageuse­ment le sentiment antieuropé­en du président Trump.

Etrangemen­t, la droite britanniqu­e semble souffrir de la même maladie que ses soeurs européenne­s et américaine. Récemqui

Effrayés par l’essor du populisme, les éléments les plus modérés préfèrent suivre ce mouvement plutôt qu’occuper leur terrain.

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