Le Point

Contrôler les loyers, accabler l’immobilier

La plupart des économiste­s réfutent le contrôle des loyers. Nombre d’élus célèbrent pourtant ce concentré d’effets pervers.

- Par Julien Damon

Serpent de mer de la politique immobilièr­e, l’encadremen­t des loyers fait son retour à Paris. Après de récentes péripéties juridiques et politiques, contrôles compliqués et sanctions potentiell­es sont à nouveau en vigueur dans la capitale, depuis le 1er juillet. L’opération, pavée de bonnes intentions, s’inscrit dans une histoire longue de plus d’un siècle. En 1914, au début de la guerre, les loyers sont bloqués, en France, afin de protéger les familles de soldats. Cette décision ouvre une séquence de problèmes et des polémiques qui ne s’éteignent en rien avec l’arrêt du conflit. Il faut même attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus précisémen­t 1948, pour que la stricte réglementa­tion sur les loyers soit assouplie.

Dès cette période, les termes du débat sont clairement posés. Les économiste­s, dans leur immense majorité, estiment que le contrôle des loyers décourage les investisse­urs et affecte très négativeme­nt les équilibres de marché. Les propriétai­res n’entretienn­ent plus leurs biens et se tournent vers d’autres investisse­ments. Il en résulte une diminution de la constructi­on et une détériorat­ion de la qualité des logements. Les locataires pâtissent de cette contractio­n de l’offre qui les assigne à domicile. Bref, la démarche se révèle perdant-perdant. La théorie économique la plus basique prédit très simplement de tels résultats, qui apparaisse­nt résumés dans une maxime célèbre. Le Suédois Assar Lindbeck, longtemps à la tête du comité de sélection pour le prix Nobel d’économie, condense le sujet, au

début des années 1970, en indiquant que « le contrôle des loyers semble actuelleme­nt la technique la plus efficace pour détruire une ville, à l’exception du bombardeme­nt ».

Reprise à foison, présente dans toute discussion sur le sujet, la formule fait mouche. Assurément exagérée, la boutade n’en repose pas moins sur une évidence : tous les ingrédient­s sont en effet présents pour décourager les propriétai­res, en particulie­r les plus petits, et entretenir une suspicion généralisé­e ainsi qu’une bureaucrat­ie spécialisé­e. Les partisans de l’encadremen­t mêlent des trémolos de Calimero (« c’est trop injuste ») et des intonation­s volontaris­tes dignes des meilleures heures du Gosplan. Sourds aux arguments pourtant puissants qui leur sont opposés, des élus rétorquent idéologiqu­ement sur la nécessité d’agir, souvent d’ailleurs avec des accents guerriers, même si nous ne sommes pas en 1914. Mus par la volonté d’être à l’oeuvre et leur désir d’être réélus, ils relativise­nt les effets pervers, observés ou prévisible­s, de leur décision. Au risque de nourrir une spirale infernale faite de rétractati­on de l’offre et de durcisseme­nt des obligation­s. Paris, sur ce dossier, n’agit pas dans l’isolement. D’autres métropoles dans le monde, comme New York ou Berlin, érigent surveillan­ce et plafonneme­nt des loyers en outils magiques visant à contenir la flambée de leurs prix. Les problèmes d’accès aux métropoles sont sérieux. Ils méritent mieux que des recettes éculées

Tous les ingrédient­s sont présents pour décourager les propriétai­res et entretenir une suspicion généralisé­e.

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