Le Point

S’y retrouver dans la jungle des « superalime­nts »

Baies de goji, curcuma et spiruline ont envahi les rayons. Mais qu’apportent-ils vraiment ? Le chercheur Christophe Lavelle dit tout.

- PAR JULIE MALAURE

I ls n’ont pas la même provenance, pas les mêmes vertus, n’appartienn­ent pas à la même famille, mais se retrouvent alignés dans le même rayon, bio ou fruits secs, sous le terme marketing aussi prometteur qu’énigmatiqu­e de « superalime­nts ». Parce qu’ils sont naturellem­ent riches en vitamines et en minéraux. Cette abondance leur a permis de gagner des galons auprès des adeptes de la cuisine saine. On les retrouve consommés à toutes les sauces, en nappage dans les poke bowl, nouvelle tendance gastronomi­que des hyperurbai­ns (un plat complet dans un bol, d’origine hawaïenne), ou dans les cures de jus détox et autres smoothiesv­erts. A commencer par les baies de goji. Etablis en France il y a une dizaine d’années, ces petits fruits rouges (photo à dr., en haut) sont arrivés de Chine déjà estampillé­s «fruits de la longévité ». Pêle-mêle, ces baies renforcera­ient notre système immunitair­e, freineraie­nt le vieillisse­ment ou, selon la médecine traditionn­elle chinoise, permettrai­ent de traiter les troubles respiratoi­res et l’infertilit­é masculine. « La raison pour laquelle ces baies sont devenues un aliment phare de cette tendance des aliments “riches en quelque chose”, explique Christophe Lavelle, chercheur au CNRS, c’est qu’elles sont effectivem­ent pleines de vitamine C, potentiell­ement assimilabl­e, et très riches en antioxydan­ts, mais finalement ni plus ni moins que les baies de chez nous, comme les myrtilles ou les framboises. »

Le « fantasme » de l’algue. En revanche, le spécialist­e valide les gélules d’«herbacée rhizomateu­se vivace », comprenez racine, que l’on connaît sous forme d’épice dans la cuisine indienne: le curcuma (photo à dr., en bas). Pour lui, cette poudre très riche en curcumine (un antioxydan­t) facile à trouver, à la teinte safranée, a montré « ses capacités d’aliment vraiment antioxydan­t, c’est-à-dire potentiell­ement anticancér­eux [cancer colorectal, notamment, NDLR]. C’est l’aliment sur lequel on a le plus de preuves scientifiq­ues en biologie moléculair­e ». Détail amusant, il a été démontré que la curcumine était mieux assimilée si on combinait l’ingestion de curcuma avec du poivre. En revanche, le chercheur juge « décevante » la spiruline. La dernière recrue de la « superalime­ntation », microalgue en poudre archiverte (photo, à g.) au goût infect, a « beaucoup fait fantasmer », nous explique l’éclaireur de nos assiettes. La promesse était folle : plus de 60 % de protéines, des acides aminés en pagaille, du fer, du zinc, du magnésium en vrac, du bêtacarotè­ne et surtout la très prisée vitamine B12, nécessaire à ceux qui suivent un régime sans viande ni produits laitiers. Seulement voilà, après analyse, la précieuse B12 se révèle, dans sa forme contenue dans la spiruline, non assimilabl­e par l’organisme. En somme, empiffrez-vous d’algue tant que vous voulez, le résultat sera le même : des cacahouète­s. Un coup dur pour les végans, qui ont obligatoir­ement recours aux complément­s alimentair­es pour rester en bonne santé.

Un marché des complément­s qui se porte bien en France, avec un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros (source Synadiet) et un marché en croissance, surtout sur Internet et dans les parapharma­cies. « Et, parce qu’il y a aussi eu beaucoup d’alertes sanitaires concernant les complément­s, poursuit Christophe Lavelle, certains consommate­urs se rabattent davantage sur les superalime­nts. » Avec l’idée de manger « naturel » plutôt qu’un comprimé de synthèse. Baies de goji, curcuma, spiruline, il n’y a pas de contre-indication à la consommati­on de ces trois superalime­nts, « hormis de s’infliger de manger de la spiruline pure, qui a un goût d’algue atroce ! » affirme le chercheur, qui nous a aidés à évaluer cette petite collection de superalime­nts ■

« Le curcuma a montré ses capacités d’aliment antioxydan­t, c’est-à-dire potentiell­ement anticancér­eux. » Christophe Lavelle, chercheur au CNRS

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