Bandon Dunes, un rêve américain
Au fin fond de l’Oregon, au bord du Pacifique, se cachent quelques-uns des parcours de golf les plus désirables de la planète.
Lorsque Mike Keiser arpente en 1999, avec un ami journaliste reconnu dans le monde du golf, une zone de la côte Pacifique perdue au coeur de l’Etat de l’Oregon (Etats-Unis), ce dernier essaie d’empêcher son ami de faire ce qu’il estime être une erreur monumentale : « Mike, il n’y a aucune chance que des golfeurs viennent dans ce trou perdu. » Mais ces 485 hectares de sable, de pins et de buissons sauvages battus par les vents, surplombant l’océan
Pacifique, sont la définition du bonheur golfique pour Mike Keiser. En 2019, ce qui est finalement devenu Bandon Dunes Golf Resort célèbre ses 20 ans d’existence.
Sur le papier, l’éminent journaliste n’avait pas totalement tort. Rejoindre cet endroit, même des Etats-Unis, relève du challenge. San Francisco, au sud, est à neuf heures de route, Portland, au nord, à plus de six heures. Seule la présence à proximité d’un minuscule aéroport dans la petite ville de North Bend permet d’atteindre San Francisco en deux heures. Bref, depuis la France, rejoindre Bandon Dunes se mérite, même si les affres du voyage s’effacent rapidement devant le spectacle offert par ce lieu unique.
Autant le dire d’emblée, Bandon Dunes s’adresse aux malades de la petite balle blanche, un peu comme une clinique de désintoxication qui fonctionnerait à l’envers. Quatre parcours de 18 trous et un cinquième en construction, un sublime parcours compact, une zone d’entraînement gigantesque, des putting greens grands comme des terrains de football dont
un de 9 300 mètres carrés, n’en jetez plus ! Au-delà de la quantité, c’est la qualité qui impressionne. « Personne ne viendra ici pour un parcours de golf moyen», assène Mike Keiser au démarrage du projet.
Le choc irlandais. Le succès de sa société, Recycled Paper Greetings, lui a donné les moyens d’assouvir sa passion des links, parcours de golf construits dans les zones de dunes de sable, en bordure de mer. Le choc pour Mike Keiser fut sa visite à Ballybunion, parcours construit en 1893 sur la côte ouest de l’Irlande. « Mes héros dans le golf sont Old Tom Morris, Charles B. MacDonald, William Fones et Georges Crump, architectes de golf avant même que la profession n’existe, explique Mike Keiser. Ils ont dessiné 8 des 24 plus beaux golfs de la planète il y a plus de cent ans, s’appuyant sur les caractéristiques originales des parcours de golf du XIXe siècle : des dunes, du sable, la mer. » Un triptyque qui est devenu la quête de Mike Keiser.
L’Ecosse est le berceau du golf, c’est donc à un jeune architecte écossais, David McLay Kidd, qu’il confie la réalisation du premier parcours, simplement nommé Bandon Dunes. Dès l’ouverture, en 1999, c’est le succès. Les Américains se précipitent pour découvrir ce véritable links aux racines écossaises, instantanément classé 10e plus beau parcours des EtatsUnis. Devant le succès, Mike Keiser décide d’accélérer le mouvement et lance le second parcours, pour lequel il choisit Tom Doak. Pour désigner l’architecte américain, il n’a qu’un mot : « génie ». Au lieu de créer un parcours à l’aide de machines, Tom Doak, connu pour son approche minimaliste de l’architecture de golf, insiste sur l’importance de découvrir comment la nature l’a dessiné elle-même. En 2001 ouvre Pacific Dunes. Le choc visuel ressenti en foulant les fairways de ce parcours nous laisse sans voix. Les dunes, hautes, modèlent le parcours, intégrant des bunkers aux faces impressionnantes et aux bordures garnies d’herbes folles.
Pour le troisième parcours, Mike Keiser missionne le duo le plus célèbre du moment, Bill Coore et Ben Crenshaw. Spécialistes des links, leur fait de gloire s’appelle Sand Hills, un parcours au fin
fond du Nebraska, que Mike Keiser ■ qualifie de « chapelle Sixtine du golf minimaliste ». Ce troisième parcours de Bandon Dunes est un voyage au coeur des paysages de la côte nord-ouest des EtatsUnis, traversant un cordon de dunes puis une dense forêt de résineux à la magnifique variété de verts. Bandon Trails ouvre en 2005.
Pour le quatrième parcours, Mike Keiser avait un rêve : recréer un golf mythique aujourd’hui disparu, The Lido. Dessiné par Charles B. MacDonald pour Cornelius Vanderbilt à Long Island dans les années 1920, le parcours, brièvement reconnu comme le second plus beau parcours des Etats-Unis, ne survivra pas au krach de 1929. Plus qu’une réplique, Tom Doak va créer un hommage à l’architecte de The Lido, reprenant les thèmes chers à Charles B. MacDonald, le parcours prenant le nom de Old MacDonald.
En quelques années, Bandon Dunes Golf Resort est devenu la Mecque du golf, l’endroit où il faut être allé dans une vie de golfeur. Mais, loin de s’arrêter et de contempler son succès, Mike Keiser poursuit sa route avec un cinquième parcours, qui verra le jour à l’été 2020. La recette est la même, le nouveau parcours ne doit pas faire penser aux précédents. Celui-ci, nommé The Sheep Farm, offrira 9 greens en lévitation sur une immense langue de terre qui avance au-dessus de l’océan Pacifique et offre une vue unique sur le reste du complexe golfique. « Breath taking »* comme disent les Américains ■
« A couper le souffle. »