Le mal-être des policiers musulmans
Dès le début des années 1990, Bernard Squarcini, au sein de la hiérarchie de la Direction centrale des renseignements généraux, plaidait pour l’ouverture du renseignement aux policiers d’origine maghrébine. « Au milieu des années 1990, j’ai commencé à recruter d’autres profils que les fonctionnaires de type classique. Je faisais moi-même la sélection à partir des candidatures spontanées et aux sorties d’écoles de police. » Pour le préfet, ces enquêteurs apportent un plus : « Ce n’est pas qu’une question de look ou de patronyme. Après leur formation, ils sont opérationnels dans tous les groupes, “basques”, “corses” ou encore “extrême gauche violente” et ils ont un avantage de plus : ils peuvent entrer dans les cités et les mosquées, deux secteurs où on a toujours eu beaucoup de difficultés. » Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, les attentats commis par des Français de confession musulmane ont poussé la communauté du renseignement et les services d’enquête vers toujours plus de suspicion. Les déshabilitations sont de plus en plus régulières. Sans cette accréditation au secret-défense, il n’est plus possible de travailler dans un service de renseignement. Les habilitations ont été étendues récemment au GSPR, le groupe de sécurité de la présidence de la République. Pourtant, les policiers issus de l’immigration postcoloniale, comme les autres, ne comptent pas leurs heures supplémentaires, que le ministère de l’Intérieur ne leur a toujours pas payées. Parmi eux, un fonctionnaire de la sous-direction antiterroriste s’est particulièrement distingué ces dernières années. Il a retrouvé la trace d’Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur des attentats de novembre 2015, qui ont causé la mort de 130 personnes, et mené l’équipe du RAID à son appartement « conspiratif » à Saint-Denis, où le terroriste a fini par être mis hors d’état de nuire. Depuis, il s’est blessé en service alors qu’il interpellait des individus mis en cause dans l’attentat contre Charlie Hebdo. Malgré ses excellents états de service dans la lutte contre le terrorisme islamiste, il est désormais dans la tourmente et en passe d’être révoqué de la police, accusé d’une affaire de trafic d’influence. Une situation qui fait naître un grand sentiment d’injustice et une frustration parmi les policiers français dont les parents sont originaires du Maghreb
■