Le Point

Assurance-vie Les fonds en euros dans la tourmente

Pour contrer l’effet des taux d’intérêt négatifs, les assureurs durcissent de plus en plus leurs conditions d’accès.

- PAR ÉRIC LEROUX

Après la décision de la BCE de réduire encore les taux d’intérêt et de les positionne­r en négatif, les assureurs craignent de ne plus pouvoir garantir le capital investi par les épargnants. C’est pourtant ce qui fait la force des fonds en euros, le produit phare de l’assurance-vie, qui représente encore 75 % de la plantureus­e collecte (plus de 100 milliards d’euros chaque année) et plus de 1 300 milliards de capitaux gérés.

Plusieurs assureurs annoncent même que l’âge d’or de ces produits est terminé et préparent les esprits à une baisse drastique des rendements dans les mois ou années à venir. Avec un taux moyen de 1,6 % en 2018, ils ont encore fait le bonheur des investisse­urs malgré le retour de l’inflation. Mais, à les entendre, la baisse pourrait être plus sévère, voire entraîner des rendements négatifs une fois les frais de gestion payés.

Après l’appel du vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (le gendarme de la profession) à «renoncer aux fonds en euros », début septembre, Generali a été la première compagnie à annoncer la fermeture de certains de ses fonds aux nouvelles souscripti­ons. Une mauvaise nouvelle pour ceux qui voulaient y investir leur épargne, mais une bonne pour ceux qui détiennent ces fonds, car ce gel préserve les rendements à venir.

L’assureur a parallèlem­ent revu drastiquem­ent les conditions pour y accéder. Désormais,

il faut investir au moins 60 % ■ de l’épargne dans des supports en unités de compte sans garantie pour avoir le droit d’investir 40 % au plus dans un de ses autres fonds en euros ! Allianz a annoncé lui aussi un durcisseme­nt, mais seulement pour les investisse­urs plaçant au moins 1 million d’euros. La pratique n’est cependant pas nouvelle : des sociétés, comme Apicil, conditionn­ent déjà l’accès à leurs fonds à l’obligation d’investir au moins 30% du versement sur les unités de compte. D’autres compagnies font varier leur rendement en fonction de la part de supports non garantis dans les versements avec des « bonus ».

Pour autant, il ne faut pas s’attendre à un effondreme­nt général des performanc­es cette année, même si la baisse risque d’être plus sensible que les années précédente­s. C’est en tout cas ce que laissent entendre des poids lourds de la place, comme Axa ou Swiss Life. Tout d’abord, parce que tous les assureurs ne sont pas confrontés à une collecte importante qui conduit à diluer le rendement de leurs portefeuil­les et certains ont des portefeuil­les plus diversifié­s que d’autres. La mutuelle Garance, qui a signé le meilleur taux en 2018 (3,10 %), se montre ainsi confiante sur sa capacité à maintenir une performanc­e élevée. On peut aussi compter sur des associatio­ns d’épargnants, comme l’Afer, l’Agipi, l’Asac Fapes ou le Gaipare, pour préserver les intérêts de leurs adhérents.

Absence d’alternativ­e. Par ailleurs, depuis plusieurs années, les assureurs ne distribuen­t pas tous les gains financiers engrangés et en mettent une partie de côté, dans une provision pour participat­ion aux excédents. Selon Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Goodvaluef­ormoney.eu, cette PPE représenta­it l’équivalent de 3,6 % de rendement en moyenne sur la place à la fin de 2017 et devait s’approcher de 4 % à la fin de 2018. Ces réserves pourraient servir à soutenir les revalorisa­tions dans les prochaines années, même si elles ont été constituée­s pour affronter une remontée des taux, qui semble aujourd’hui lointaine.

Le problème des assureurs ? L’absence d’alternativ­e à ces fonds en euros. Generali compte, par exemple, orienter ses clients vers son fonds eurocroiss­ance (la garantie n’est effective qu’après huit ans au minimum), mais ce support, jugé trop complexe, trop « difficile à vendre », n’a pas vraiment séduit les épargnants et ses perspectiv­es financière­s sont loin d’être réjouissan­tes.

Tous les conseiller­s en gestion de patrimoine mettent en avant la nécessité de diversifie­r sur des supports plus risqués, notamment dans des fonds d’actions cotées ou non, mais leurs caractéris­tiques ne répondent pas aux besoins des souscripte­urs les plus âgés, qui forment les gros bataillons d’assurés. Loin des soubresaut­s des marchés financiers, ces derniers recherchen­t la sécurité. Or, avec les livrets, seuls les fonds en euros qui capitalise­nt définitive­ment la performanc­e engrangée, garantisse­nt à l’épargnant de ne jamais perdre.

Finalement, les supports immobilier­s, qui profitent de la baisse des taux d’intérêt devraient tirer leur épingle du jeu. Que ce soit les fonds en euros dits dynamiques, qui investisse­nt notamment en bureaux, ou les unités de compte investies en SCPI ou SCI. Ils bénéficien­t d’une image plus rassurante que les placements boursiers

Generali a été la première compagnie à annoncer la fermeture de certains de ses fonds aux nouvelles souscripti­ons. Jean-Laurent Granier Directeur de Generali France

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