Simon le Japonais
Roman. Tateru et Ryu sont deux adolescents japonais qui aiment le vent. A Qingdao, une ville chinoise occupée par l’armée japonaise, ils l’observent, le nomment, lui trouvent des couleurs et des odeurs ; ils s’en soûlent et, au milieu de ses « feulements mélodieux, hypnotiques et lancinants », écrit François Simon, ils coulent une vie poétique et simple. Mais arrivent ces deux jours d’apocalypse, en août 1945, le 6 puis le 9 : Hiroshima et Nagasaki. Le monde bascule, le Japon capitule, les Japonais doivent partir, c’est l’exode, la rupture et, pour les deux héros, la pulvérisation de l’adolescence. Comme tous les autres, Tateru et Ryu quittent Qingdao et débarquent avec ce qui leur reste de famille dans une Tokyo sale, humiliée, dévastée et inflammable. La guerre du Pacifique est finie mais, après elle, le chaos, la violence, la montée de la pègre, le raffinement de la cruauté japonaise. Tateru devient cuisinier, Ryu, homme de main des yakuzas.
C’est un roman comme un long poème, aussi gracieux que brutal. Un contexte halluciné – le Japon d’avant et d’après la bombe, des décors de fin du monde, deux héros qui ne sont que sensations, et une langue nue, blanche et hyperréaliste, d’où gicle la poésie. C’est un roman japonais, écrit par un Français – oui, le célèbre critique gastronomique –, à la manière d’un Hemingway ; une beauté
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« L’esprit des vents », de François Simon (Plon, 264 p., 19 €).