Le Point

Cet islamisme que l’on refuse de voir, par Sébastien Le Fol

- PAR SÉBASTIEN LE FOL

L’attentat commis à la préfecture de police de Paris restera « comme un tournant majeur en matière de terrorisme islamiste », selon la formule de Gilles Kepel. Le symbole de l’ordre public dans notre pays a été mortelleme­nt blessé. Lors de cette tragédie, la machine à déni s’est une nouvelle fois emballée. On nous a encore joué le coup du « déséquilib­ré ». Tout juste nous a-t-on épargné les « couteaux fous », comme on parlait de « camion fou » pour désigner les terroriste­s de Berlin et de Nice. De quoi donner raison à Riss. Dans son livre « Une minute quarante-neuf secondes » (Actes Sud/Charlie Hebdo), le directeur de la rédaction de Charlie Hebdo dresse un bilan implacable des quatre années qui se sont écoulées depuis l’attentat qui a touché le journal. Beaucoup de gens dans ce pays refusent toujours de se pencher sur les causes du 7 janvier 2015 : la publicatio­n des caricature­s de Mahomet. Pour quelles raisons ? « 2015, écrit Riss, me fit comprendre ce qu’avait été la collaborat­ion, car je pus observer à quel point le confort intellectu­el copulant avec l’instinct de survie pousse les esprits les plus brillants vers la complaisan­ce et la lâcheté. » Riss a une expression saisissant­e pour qualifier le déni qui aveugle certains face à l’islamisme : il appelle cela « l’esprit collabo ». A chaque attentat, les mêmes messages préenregis­trés sortent de la bouche des autorités, comme l’a prouvé la première réaction du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, après la tuerie du 3 octobre. Qui écoutera Riss ? Dans les émissions où il est invité, on s’adresse à lui comme à un rescapé d’une avalanche dans les Alpes et non à la cible d’un « crime politique ». Sur France Inter, Riss a été reçu dans « Boomerang ». La page Internet de ce programme culturel présente ainsi son ouvrage : « Dans “Une minute quarante-neuf secondes”, il [Riss] revient sur un événement qui a changé le visage des médias français. » On a bien lu : l’attentat du 7 janvier 2015 a juste « changé le visage des médias français »…

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