Le Point

La chronique de Patrick Besson

- Patrick Besson

Première fois que je ne comprends rien à la carte d’un restaurant asiatique. Nous mangeons chinois pour être en Asie, moins le taux aberrant d’humidité. Au Diamant rose (161, boulevard du Montparnas­se, Paris 6e, 01-43-54-5615), l’illusion est complète. Par exemple, en entrée, des xia long baho. Ou un cheung fun aux crevettes. Il y a aussi des guo tie grillés. Pour le plat principal, que vos enfants ne se laissent pas abuser par le poulet pop-corn : la garniture n’est pas du popcorn. Je le sais parce que je l’ai goûtée. Ce sont des bouchées croustilla­ntes d’un poulet mariné à la citronnell­e. Anthony Palou, par ce sombre et doux dimanche de pluie, a opté pour le plat qui ressemblai­t le plus à ce que nous prenons d’habitude à La Rotonde (≈≈), ce Breton aime la terre parisienne ferme : des dés d’entrecôte grillés à la flamme. N’avais pas encore vu une entrecôte servie en dés. Cuistot adepte du 421 comme autrefois Marcel Aymé au café Au rêve, rue Caulaincou­rt ? Il y a des roulés BBQ sauce chuangchua­n. C’est du porc pimenté. La prochaine fois, j’en demanderai. J’ai repéré un crabe en mue au sel. Explicatio­n bienvenue du rédacteur – ou de la rédactrice – de cette carte exotique : « Crabes en légère friture à la saveur iodée, relevés de sel, poivre et ciboulette chinoise. » Nous voici loin des inusables nems, des fades riz cantonais et des poulets fatigués au curry servis dans les officines sino-vietnamo-thaïlandai­ses depuis des décennies.

Situé entre La Closerie des lilas (≈) et Le Dôme (≈), Le Diamant rose (≈≈), fondé en 1971, était une étape tranquille à mi-chemin de ces deux brasseries historique­s. C’est là que j’ai déjeuné le 17 août 1994, quelques heures avant la naissance de mon deuxième fils. C’était l’été, mais je ne me souviens pas s’il y avait du soleil. J’étais, lors de cette journée vide qui serait bientôt remplie, en compagnie d’un copain de régiment. L’établissem­ent, sous l’égide d’un jeune chef dont je n’ai pas demandé le nom par peur de le transcrire de travers, se présente aujourd’hui comme l’avant-garde de la cuisine chinoise parisienne.

Le jeune Ernest Hemingway avalait ses douzaines d’huîtres à La Closerie des lilas parce qu’elles n’étaient pas chères, et les Aragon, qui n’avaient pas beaucoup à marcher depuis leur petit hôtel de la rue Campagne-Première, buvaient à La Coupole des cafés à bas prix. Le Diamant rose a gardé cette politique des tarifs raisonnabl­es chère aux artistes désargenté­s : raviolis de Chengdu à 7 euros, crevette typhon à 12 euros. J’ai aimé les nouilles au parfum de ciboule (5 euros) et le riz blanc (2 euros). Il y a aussi un fort bon muscadet à 15 euros. Cela dit, à la troisième bouteille, ça commence à faire une somme

Pour le plat principal, que vos enfants ne se laissent pas abuser par le poulet pop-corn : la garniture n’est pas du pop-corn. Ce sont des bouchées croustilla­ntes d’un poulet mariné à la citronnell­e.

 ??  ?? Le goût du cheung fun.
Le goût du cheung fun.

Newspapers in French

Newspapers from France