L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
La chasse au Zemmour est ouverte. Avec sa harangue devant la Convention des droites, il l’a bien cherché, dira-t-on. Certes. Mais notre société est-elle à ce point infantilisée qu’elle ne peut supporter des discours différents ?
L’auteur de ces lignes n’est pas un ami de Zemmour. Il est même attaché à tout ce que vomit notre grand polémiste national : l’universalisme, l’idéologie diversitaire (sans être nunuche), le melting-pot marseillais, l’Europe, le libéralisme, le féminisme, le girondisme, etc. Il n’en est que plus à l’aise pour dénoncer les délires de l’antizemmourisme actuellement à l’oeuvre.
Le Monde a lâché les chiens dans un éditorial grotesque où il apparaît plus que jamais comme le journal officiel du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), repaire d’indigénistes et de Frères musulmans, qui a fait les grandes heures de ses « nauséabondes » et daoudophobes (1) pages Idées. Nos confrères voient ainsi l’ombre des camps de la mort, ni plus ni moins, dans le discours d’« inspiration fasciste » de Zemmour, qu’ils osent comparer à Edouard Drumont, le Hitler français, qui, dans « La France juive », best-seller de la fin du XIXe, prônait l’extermination des juifs. Bouffre !
Eric Zemmour étant juif, ne s’agit-il pas là d’une resucée ignoble d’un vieux fantasme antisémite selon lequel Hitler, pour avoir été aussi méchamment antisémite, ne pouvait être que juif ? On sait déjà que la prétendue intelligentsia française, noyée dans son Badiou, n’a quasiment plus de repères, mais n’est-elle pas en train de perdre aussi toutes ses facultés ?
Autrement plus intelligente aura été la réaction de l’animateur de télévision Yann Barthez aux déclarations de Zemmour. « Vous pensez qu’il est heureux ? s’est-il amusé dans son émission « Quotidien ». Moi, il me touche. Il se sent seul contre tout le monde. » Là-dessus, un montage rigolo reprenait tous les mots anxiogènes du discours zemmourien : nazisme, djellaba, pédophilie, caïds, kalache, attaque au couteau, fascisme, massacres, Goebbels, drogue, etc.
Dans son laïus, Eric Zemmour a repris des thèmes qui reviennent régulièrement dans ses écrits, à savoir que « tous les problèmes aggravés par l’immigration sont aggravés par l’islam » ; qu’« au triptyque d’antan, “immigration, intégration, assimilation”, s’est substitué celui d’“invasion, colonisation, occupation”» ; que les immigrés « se comportent comme des colonisateurs en terre conquise comme (...) les pieds-noirs en Algérie ou les Anglais en Inde ». Propos abrupts sinon outranciers tenus par un homme dont la famille a été chassée d’Algérie par les Arabes, alors que ses ancêtres étaient là bien avant la conquête arabe du VIIe siècle. Mais Eric Zemmour ne dit pas que des bêtises, loin de là. S’il n’y avait aucun problème en France avec l’islam, ça se saurait. Ne peut-on pas discuter, débattre ? Eh bien non, la bien-pensance au pouvoir a décidé, forme suprême de la censure, de l’assassiner symboliquement.
Faut-il céder aux injonctions des professionnels du « dénislamisme », pour reprendre l’expression d’Alexis Brézet (2) ? Les esprits sont de plus en plus embrouillés par le théorème véhiculé par les islamo-gauchistes du Monde ou de Mediapart : tous les Arabes sont musulmans, tous les musulmans sont islamistes, donc être anti-islamiste, c’est être raciste. Les jobards !
Alors que le pouvoir fait preuve d’un laxisme insensé face à la pénétration de l’islamisme dans les services publics, comme vient de le montrer l’affaire de la préfecture de police de Paris, il entend en finir avec les mots qui fâchent, contrairement aux Etats-Unis, où le premier amendement de la Constitution a inscrit dans le marbre « la liberté de parole ou de presse ». Le parquet de Paris a donné raison aux accusations d’Eric Zemmour, pourfendeur de la dictature du « progressisme », en annonçant, après ses propos, l’ouverture d’une enquête pour «injures publiques en raison de l’origine ou de l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion » et « provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence ».
Calmos, les inquisiteurs ! Pour apporter un peu de sérénité dans tout ce brouillis, conseillons aux contempteurs et aux zélateurs d’Eric Zemmour de lire sans attendre l’excellent livre de Denis Olivennes, « Le délicieux malheur français» (Albin Michel), où est mise en pièces la « gigantesque entreprise de détestation mutuelle » qui déchire notre pays. Enfin, du bon sens dans notre monde de brutes, de forcenés !
Denis Olivennes ne craint pas de célébrer « le désir patriotique » qui n’est pas « nécessairement un désir obsidional ». Nourri d’anecdotes personnelles et de statistiques édifiantes, son «Délicieux malheur français» n’est pas un livre de circonstance ; c’est une célébration de la France éternelle et un appel à la tolérance pour changer de paradigme et renouer avec le bonheur d’être français. Ça tombe à pic et, en plus, ça fait du bien
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1. Cf. les excellentes chroniques de Kamel Daoud dans Le Point.
2. Cf. son éditorial dans Le Figaro du 7 octobre.