Le Point

Europe : l’abcès franco-allemand

L’éviction par le Parlement européen de la candidate de la France à la Commission révèle les ratés du duo formé par Emmanuel Macron et Angela Merkel.

- Par Luc de Barochez

La censure d’une candidate française à la Commission européenne est, de la part du Parlement européen, un geste inédit. La cause profonde du ratage l’est beaucoup moins : la mésentente persistant­e entre la France et l’Allemagne. Sur les programmes communs d’armement, sur la politique budgétaire et fiscale, sur la réforme de la zone euro, sur la politique monétaire de la Banque centrale, les malentendu­s et incompréhe­nsions se sont accumulés entre Paris et Berlin. L’humiliatio­n que le Parlement a infligée à Emmanuel Macron en votant contre Sylvie Goulard s’inscrit dans ce tableau. Son éviction ne s’explique qu’en partie par les casseroles qu’elle traînait. En la choisissan­t personnell­ement, le président français a révélé la faillibili­té de son jugement.

Depuis son élection en 2017, le chef de l’Etat cherche à être l’homme fort de l’Europe. Il entend occuper tout l’espace que le souhait des Britanniqu­es de quitter l’Union et l’affaibliss­ement d’Angela Merkel offrent à son ambition. Cependant, il n’a pas réussi à rejouer à l’échelle européenne la stratégie qui lui avait si bien réussi dans l’Hexagone en 2017 : marginalis­er la gauche, étouffer la droite, se poser en adversaire principal des nationauxp­opulistes et réunir autour de lui les modérés de toutes obédiences, afin de ravir les clés du Parlement. Il a tenté en vain de faire exploser le principal groupe parlementa­ire, formé par les conservate­urs du Parti populaire européen (PPE). Il a traité ses députés en antagonist­es en évinçant leur candidat à la tête de la Commission, alors que beaucoup ne demandaien­t qu’à être ses alliés. Résultat, ils se sont vengés en rejetant Goulard.

L’insuccès français est aussi celui d’Angela Merkel. La chancelièr­e avait adoubé la candidate de Paris. Elle était intervenue auprès du groupe conservate­ur, dont les élus allemands forment la colonne vertébrale, pour qu’ils lui apportent leurs voix. L’affaire montre qu’elle ne contrôle plus ses troupes. Or le PPE est depuis les années 1990 la courroie de transmissi­on essentiell­e de l’influence de l’Allemagne en Europe. Que Berlin n’arrive plus à lui imposer sa volonté met au jour l’impuissanc­e durable de la République fédérale. Vu de Paris, ce durable passage à vide est d’autant plus inquiétant que Macron n’a pas d’alternativ­e à l’alliance avec Merkel. Le président de la République est empêtré dans la contradict­ion de sa politique européenne, qui a beaucoup misé sur la chancelièr­e tout en prenant pour cible le relais parlementa­ire du pouvoir allemand dans l’Union.

L’épisode a souligné la volatilité de l’organe législatif de l’Union.

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