L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert
Avec ses polémiques sur le voile islamique, ses concours de victimisation et ses grèves surprise à la SNCF, la France est tombée dans une grosse crise de régression. Nous aimons tellement notre passé que nous le ressassons jusqu’au dégoût.
On n’attend plus que le grand retour de Georges Marchais. Il y a dans l’air comme un parfum de formol. Notez, c’est normal : la CGT vient de sortir de son bocal pour lancer avec d’autres centrales des journées d’action dans les services publics. Comme disait l’un des grands sociologues du XXe siècle, « les syndicalistes ont tellement l’habitude de ne rien faire que, lorsqu’ils font grève, ils appellent ça une journée d’action » (Coluche).
Le temps a passé et notre regard sur le communisme a changé. Il n’y a rien à en garder, mais certains célèbrent aujourd’hui ses avancées sociales, comme d’autres vantent les autoroutes de Hitler. Le 9 novembre, il y aura trente ans qu’est tombé le mur de la « honte » séparant les deux Allemagnes autour de Berlin-Ouest (3,50 mètres de hauteur sur 155 kilomètres, bordé de mines antipersonnel), grande « réalisation » du communisme dont la chute précipita l’écroulement du régime soviétique. Faut-il encore éprouver la moindre nostalgie pour ce totalitarisme qui tua plus que le nazisme et qu’une partie de la gauche rêve aujourd’hui de réhabiliter ?
Le nombre des pays à gouvernement communiste s’est réduit comme peau de chagrin, ces dernières années. Ils ne sont plus que cinq (la Chine, Cuba, le Vietnam, le Laos, la Corée du Nord) et ils ont mis, pour les quatre premiers d’entre eux, beaucoup d’eau libérale dans leur rouge marxiste. Mais l’idéologie la plus mortifère du XXe siècle gangrène encore les têtes mal faites qui veulent oublier ses 100 millions de morts.
L’espèce humaine serait-elle une machine à refaire toujours les mêmes bêtises, les mêmes horreurs ? L’impressionnante ignorance historique de nos contemporains permet aujourd’hui de raconter l’Histoire à l’envers. Quasi disparu à l’Est, le communisme tient ainsi de nouvelles places fortes à l’Ouest, notamment dans les universités françaises et américaines, jusque chez certains de nos chers confrères, agenouillés devant saint Alain Badiou, un philosophe qui n’hésite pas à célébrer le maoïsme qui a fait entre 60 et 80 millions de victimes, une paille ! Ils ont envie de remettre ça. Les crétins ne changent jamais, c’est même à ça qu’on les reconnaît.
Pour en finir avec le négationnisme de la gauche, qui cache sous le tapis les crimes du « socialisme », on ne conseillera jamais assez de lire et de faire lire deux classiques : « Le livre noir du communisme », ouvrage collectif dirigé par Stéphane Courtois (Robert Laffont), et la monumentale « Histoire mondiale du communisme», de Thierry Wolton (Grasset), qui a reçu le prix Aujourd’hui. A ceux-là il faut ajouter maintenant « Le siècle rouge », de Jean-Christophe Buisson (Perrin), un grand livre dans tous les sens du mot, précis, puissant, abondamment illustré, qui raconte chronologiquement, sans pathos, l’histoire du communisme, qui se croyait éternel mais qui eut finalement la durée de vie d’un être humain : plus de soixante-dix ans.
Plus de soixante-dix ans de malheur, de crimes, de mensonges. Jean-Christophe Buisson ne juge pas, ne décrypte pas, ne fait pas de la littérature. Il se borne à énumérer les faits bruts. L’effet est saisissant. On se demande par quel mécanisme intellectuel tant de personnes de bonne foi ont pu se laisser abuser par un système qui faisait furieusement le Mal au nom du Bien. C’est, dans l’histoire de l’humanité, le cas le plus extraordinaire d’hypnose planétaire. Une hallucination collective géante. Dans ce domaine, alors que la mondialisation est à son apogée, nous ne sommes, hélas, pas à l’abri de nouveaux délires de ce genre.
« Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde » est une réplique de la pièce de Bertolt Brecht, « La résistible ascension d’Arturo Ui », satire de l’accession au pouvoir de Hitler, écrite en 1941. Elle est plus que jamais d’actualité à l’heure où se pressent les dangers autour de nous, sur fond de nostalgie du communisme : les avancées de l’islamisme politique, champion de la victimisation, les complaisances à son égard des gogos de la macronie. Sans oublier l’antisémitisme devenu si virulent en France que des enfants juifs vont aujourd’hui à l’école sous protection policière et que tout le monde trouve ça normal.
Bonne journée ! ■