Nordelta en chiffres
35 000 habitants aujourd’hui et peutêtre 90 000 en 2040. 10 000 personnes y travaillent : employées de maison, ouvriers du bâtiment, vendeurs… 6 000 élèves dans 5 établissements privés.
1 700 hectares, soit 17 km2.
24 quartiers,
1 en construction. 3 700 maisons et 6 000 appartements déjà édifiés.
300 maisons et 3 ensembles d’immeubles en construction.
1 500 caméras de surveillance. 1 centre commercial, 1 supermarché et 1 hôtel 5 étoiles. par le champion Jack Nicklaus. La mère travaille à la maison ou dans un espace de coworking. Leurs enfants étudient dans les collèges privés du secteur.
La crise ? On peut voir ses effets del’autrecôtédesgrillesdeNordelta, à Las Tunas, quartier de maisons humbles où vivent 30 000 personnes, beaucoup sans emploi. « Nous luttons au jour le jour en n’achetant que des produits de base au supermarché », souffle Maria, mère de deux filles. Son mari a perdu son emploi de peintre en bâtiment et ne fait plus que de menus travaux. Selon l’Institut argentin des statistiques, un foyer avec deux enfants a besoin d’au moins 33 000 pesos, soit 508 euros, pour subvenir à ses besoins. Si Maria survit, c’est grâce à l’allocation universelle pour enfants – 45 euros mensuels pour chaque enfant avec obligation de présenter le livret scolaire – et à l’aide de la Fondation Nordelta, qui soutient plus de 500 familles démunies et est financée en majeure partie par les habitants et les entreprises du secteur. Au milieu des jeans Levi’s et des dentifrices Colgate, Maria Teresa Costantini, présidente de la fondation et fille de l’investisseur qui a créé Nordelta, signale : « Pour nous, c’est important d’être de bons voisins. Ce n’est jamais sain de rester enfermé et de vivre isolé du monde. »
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Car, à Nordelta, la vie en espace ■ clos peut avoir son revers de médaille, une sorte de syndrome de l’enfermement qui peut toucher les enfants. « Certains ont l’habitude d’entrer dans une maison sans demander l’autorisation, de traverser la rue sans regarder et, surtout, ils ne savent pas prendre les transports publics », déplore Marina D’Angelo, directrice du collège bilingue Saint Luke’s. Pour que ses élèves ne craignent pas le monde extérieur, elle a mis en place des sorties accompagnées jusqu’à Buenos Aires pour apprendre à monter dans un train, un bus ou un métro.
C’est justement le transport public qui a dynamité la vie paisible du « village », où travaillent 10 000 personnes. L’année dernière, une employée de maison se voit refouler par un chauffeur du bus de la ligne privée qui dessert les quartiers de la ville. La presse et la communauté s’enflamment ; les femmes de ménage crient à la discrimination et bloquent une rue. « Les propriétaires ne veulent pas partager le transport, car, selon eux, nous parlons beaucoup et nous transpirons », se plaint l’une d’elles. « Avec l’entrée du transport public, Nordelta va devenir un lieu moins sûr », rétorquent les propriétaires.
Après plusieurs mois de polémique, une ligne publique de bus pénètre dans Nordelta. « La ville croît et doit devenir plus perméable », estime Diego Moresco. Trois bus uniques équipés de caméras sont autorisés à circuler entre 6 h 30 et 8 h 30 et de 16 à 18 heures. Conséquence : on installe des barbelés le long de cette artère.
Une chose est sûre, Nordelta ne cesse d’attirer les acquéreurs et d’être copié : il existe aujourd’hui plus de 1 000 quartiers fermés en Argentine, où vivraient plus de 400 000 personnes.
« Tout ce cirque coûte trop cher et nous sommes à bout de nerfs. » Victoria, qui a décidé d’émigrer
Stockage de papier toilette. Et si c’était aux chefs d’entreprise argentins de retrousser leurs manches pour redresser le pays et éviter une telle situation ? Selon l’historien Luis Alberto Romero, l’élite argentine a sa part de responsabilité dans la débâcle actuelle, car elle n’a plus le même goût que les générations précédentes pour l’intérêt général. Pour lui, le noeud du problème est la faiblesse de l’Etat, « sérieusement abîmé » par les conflits sociaux et la dictature, depuis les années 1970. « Ce n’est pas un problème de politique publique. La société est corrompue. Ce pays est irréparable », assène Alejandro, l’entrepreneur qui habite dans le Golf. « Macri a un CV