Le Point

L’Argentine asphyxiée

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L’Argentine s’achemine déjà vers le 9e défaut de paiement de son histoire. Sa dette devrait peser 85 % de son PIB en 2020 et les seuls intérêts représente­r 20 % de ses recettes. Fin août, le président Macri a annoncé le report d’un remboursem­ent de plus de 8 milliards de la dette à court terme du pays. Il veut aussi restructur­er la dette à long terme redevable en 2020-2023, y compris celle du FMI. Pour Moody’s, le prochain gouverneme­nt aura la tâche de déterminer le type de défaut de paiement et de formuler une offre de restructur­ation. Les créanciers du pays sud-américain, déjà lésés en 2001, vont devoir s’armer de patience… d’entreprene­ur et un gouverneme­nt rempli de patrons. Cela n’a guère fonctionné », ajoute Roberto Tizado, barbichett­e blanche et teint bronzé. Habitant du quartier du Yacht et à la tête d’une grande agence immobilièr­e qui gère notamment le centre commercial de Nordelta, il a joué le jeu de la récente loi de « sincérité fiscale », qui a permis aux Argentins de blanchir un total de 117 milliards de dollars détenus à l’extérieur. Il a acquis volontaire­ment avec cet argent rapatrié des obligation­s en pesos de l’Etat argentin, dont la valeur ne cesse de chuter. Selon le créateur de Nordelta Eduardo Costantini, il reste « plus de 200 milliards de dollars d’actifs à l’étranger ». Pour lui, il faut « miser sur les secteurs où le pays peut se différenci­er : l’agroalimen­taire et l’énergie ». Sinon, l’Argentine restera sur le podium des « pays non crédibles à inflation élevée », aux côtés du Soudan et du Venezuela.

A Nordelta, nous rencontron­s Victoria, Gustavo et leurs trois enfants, âgés de 11, de 8 et de 6 ans. Ce couple d’avocats installé depuis 2016 dans la zone n’en peut plus des crises à répétition. Il a une belle maison de 200 mètres carrés mais stocke des éponges et des rouleaux de papier toilette dans la buanderie. « Ce sont des produits dont les prix augmentent du jour au lendemain. Ma soeur, qui est partie vivre en Italie, me dit que, là-bas, le prix des pâtes n’a pas bougé en deux ans, déplore Victoria, tout en buvant un maté chaud. Tout ce cirque coûte trop cher et nous sommes à bout de nerfs. Après la défaite de Macri aux élections primaires d’août et la crise qui a suivi, nous avons pris la décision de migrer en Europe.» Il leur faudra changer de métier, tout recommence­r. Début 2020, ils effectuero­nt un voyage de repérage en Espagne avec des amis qui projettent aussi de s’exiler vers Séville ou Malaga. Une fois leurs enfants montés jouer dans leur chambre, Victoria et Gustavo confessent : « Nous venons de faire estimer notre maison pour la vendre. L’agent immobilier nous a dit : “Ah, encore une famille qui quitte l’Argentine…” »

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